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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/510

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Ce qui n’est guère plus juste, c’est de prendre au sérieux certains travaux de circonstance sur lesquels il faudrait glisser. Qu’importe par exemple que sous le nom de Scheffer quelques toiles figurent au musée de Versailles ? Est-ce la Bataille de Tolbiac et Charlemagne dictant ses Capitulaires qui ont fait sa réputation ? Qu’avons-nous besoin d’en parler ? Qui se souvient de ces tableaux ? Scheffer s’en souvenait-il lui-même ? Notre seul grief, c’est le temps qu’il a mis à les faire, et qu’il pouvait mieux employer. Quant aux tableaux eux-mêmes, l’art n’y joue pas grand rôle, c’est tout simple. Ils feraient disparate s’il n’en était ainsi. Versailles n’est pas « un musée de peinture, c’est une galerie d’histoire, un grand moniteur illustré ; nous ne jugeons pas l’idée, nous la prenons telle qu’elle est. Notre respect pour le feu roi, pour le rénovateur de Versailles, est trop sincère et trop profond, nous prisons trop haut sa sagesse et les services que lui doit la France, pour éprouver la moindre gêne à dire qu’il n’avait pas le sentiment de l’art, que, comme presque tous les monarques, il voulait avant toute chose faire vite et faire beaucoup. Près du trône au contraire, dans sa royale maison, c’était comme un don naturel que l’amour éclairé du beau : le génie de l’artiste s’y produisit lui-même, on s’en souvient, sous des traits augustes et charmans. Scheffer avait eu l’honneur, longtemps avant 1830, d’être non pas l’initiateur, la nature l’avait prévenu, mais le conseil et le guide de ces jeunes protecteurs de nos arts, et son goût judicieux les avait maintenus, en matière de peinture, dans un état d’innocente révolte contre l’autorité paternelle. De là deux courans opposés dans les commandes d’objets d’art. Deux tableaux du même peintre, sortant du même atelier, l’un pour s’enfouir à Versailles, l’autre pour aller briller dans la galerie de M. le duc d’Orléans, étaient deux choses tout aussi différentes que deux tissus fabriqués, l’un au métier, l’autre à la main. Voilà ce qui explique comment Scheffer, travaillant pour son élève, nous pouvons dire pour un ami, ces mots sont du prince lui-même, produisait des Mignon, des Francesca di Rimini, et réservait les Bataille de Tolbiac pour la galerie du souverain.

Laissons donc là ces œuvres secondaires, et revenons aux travaux sérieux. Aussi bien nous touchons, non pas au dénoûment, mais aux dernières péripéties de cette vie d’artiste : moment plein d’intérêt où peu à peu tout s’éclaircit, où l’hésitation se dissipe, où les efforts se concentrent, où chaque pas conduit plus près du but. Nous venons de laisser le peintre de Francesca au seuil de la peinture sacrée ; maintenant il faut voir comment il y pénètre, comment il va de degrés en degrés s’élever dans ce grand art à des hauteurs rarement accessibles.

Son Christ consolateur était un dangereux début. Il aperçoit