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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/529

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d’établir des cultures en tous terrains et en tous lieux qu’il jugerait convenables, à des conditions pécuniaires bien déterminées. Le Oualo s’engagea à respecter, à favoriser ces cultures, et comme sa bonne volonté aurait offert peu de garantie, il dut se placer sous le patronage de la France, qui, en acceptant ce rôle rompait avec un legs funeste du passé. De leur côté, les Maures ne purent se résigner de bon gré à ne plus spolier et rançonner le Oualo, et protestèrent. Telle fut l’origine première des longs démêlés qui depuis cette époque nous ont mis aux prisés avec ce peuple. La guerre, ouverte en 1819, fut suivie en 1821 d’un traité de paix dans lequel les Maures renoncèrent à toutes prétentions sur la rive gauche. En retour, ils obtinrent la fâcheuse et impolitique consécration à leur profit des coutumes, redevances en nature que le commerce avait lui-même offertes aux chefs, dans les temps antérieurs à titre de cadeaux, pour faciliter ses opérations, et qui, à la longue, avaient pris le caractère d’un impôt payé par des sujets à des souverains. Plus tard, les hostilités recommencèrent, suivies de nouveaux traités, et cette alternative de guerre et de paix a constitué pendant plus de trente ans l’état habituel de Jà colonie. Nous n’en retracerons j>as les nombreux incidens, d’un médiocre intérêt aujourd’hui : ils ont été racontés ici même[1], au moment opportun ; mais nous en rappellerons le principal événement, parce qu’il se lie aux faits contemporains, comme un principe à ses conséquences.

En 1830, le roi des Trarzas, Mohammed-el-Habib, le même que nous avons aujourd’hui en face de nous, alors en paix avec la France, résolut, par un calcul aussi familier aux chefs barbares qu’aux princes civilisés, de mettre, au moyen d’un mariage, le Oualo sous son influence immédiate et sa domination ultérieure ; Ndhieumbotte, dont le nom, familièrement altéré dans les bulletins, est devenu Guimbotte, était une jeune princesse du Oualo, qui, sans posséder le pouvoir suprême, exerçait par sa naissance, ses richesses et son intelligence, un grand ascendant sur ses compatriotes. Mohammed-el-Habib rechercha son alliance et l’obtint. À la fin de l’année 1832, les deux fiancés célébrèrent, leur mariage à Dagana, sur la limite de leurs états respectifs et sous la volée des canons de la France. L’amour n’avait point inspiré cette union, car elle se réduisit à une entrevue annuelle et se romit au bout de quelque temps ; mais l’ambition du cheikh des Trarzas et la vanité de Guimbotte étaient satisfaites. De leur mariage naquit un fils, Éli, qui aujourd’hui se pose, autant qu’il le peut, comme notre adversaire dans le Oualo.

Le gouvernement de Saint-Louis n’avait pas appris avec indifférence

  1. Voyez, dans la Revue du 15 janvier 1845, un article de M. Cottu sur le Sénégal.