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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/536

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des guerres d’Afrique, expérience précieuse en raison de la grande analogie qui existe entre les populations des deux pays. En 1844, il avait servi dans la province d’Oran, en 1850 dans le cercle de Sétif, en 1852 dans celui de Bougie, et s’était fait remarquer par une haute et ferme intelligence. Appelé au Sénégal dès 1853, il s’était pénétré des vues nouvelles de l’administration, et leur apportait un concours où le devoir militaire se fortifiait de sa propre conviction. Le Oualo, désigné comme le théâtre des intrigues les plus voisines, appelait d’abord l’intervention française. Éli, avons-nous dit, le fils de Guimbotte et de Mohammed-el-Habib, se posait en prétendant. Il s’était fait reconnaître héritier présomptif du brak, le souverain titulaire du Oualo. Lors de l’émancipation des esclaves, il avait cherché à attirer vers lui une partie de la population devenue libre. Il exploitait à notre détriment les inquiétudes que cet événement avait suscitées parmi les maîtres du Cayor. Ayant eu le talent de s’assurer des appuis au cœur même de l’administration, il touchait à son but : défendre aux populations du Oualo de trafiquer avec Saint-Louis, sans avoir obtenu de lui une autorisation chèrement payée. Il trouvait dans son père, le roi des Trarzas, un actif et habile concours. C’étaient plus de motifs qu’il n’en fallait pour le désigner à nos coups. Le chasser, ainsi que les Trarzas, du Oualo et apprendre à ce pays le respect des armes françaises, tel fut l’objet de la première campagne, qui commença avec l’année 1855. Quelques razzias, exécutées en janvier et février, suffirent à ce dessein. Noirs et Maures combattant ensemble furent ensemble battus, et virent avec étonnement des troupes européennes parcourir leur pays en tout sens et aussi facilement qu’eux-mêmes. Ils l’abandonnèrent pour se réfugier partie dans le Fouta, partie dans le Cayor. Le Oualo fut ravagé de façon à ne laisser ni asile ni ressources aux Trarzas ; mais, débarrassé du fils de Mohammed-el-Habib, le gouverneur se trouva en présence du père, adversaire bien autrement habile.

El-Habib règne sur son peuple depuis l’année 1829, époque où il s’est emparé du pouvoir aux dépens de l’héritier légitime, enfant confié à sa tutelle. Près de trente ans de commandement ont consolidé son usurpation, accru son influence et ses richesses. Les tribus diverses qui lui obéissent comptent de cinq à six mille guerriers. En voyant le gouverneur s’avancer intrépidement sur son territoire avec un millier de soldats et de volontaires, El-Habib comprit qu’une ère nouvelle s’ouvrait, qui mettait fin au système de transactions où sa politique persévérante et adroite avait aisément triomphé de la mobilité des plans des gouverneurs. Au courage il résolut de répondre par l’audace : il ne visa pas moins qu’à s’emparer du siège du gouvernement par un coup de main. Pendant que M. Faidherbe