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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/56

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traient un égal courage pour elles-mêmes et une égale sollicitude pour les absens.

— Christian ! Christian ! s’écria-t-il, est-ce ainsi que vous gardez votre parole ?

— J’ai tout oublié, monsieur Goefle, répondit Christian à voix basse : c’était plus fort que moi… Pouvais-je attendre que l’on vînt enfoncer les portes et tirer sur les femmes ? … Tenez, nous sommes délivrés ; retournez auprès de Marguerite, rassurez-la.

— J’y cours, répondit l’avocat en éternuant, d’autant plus que je m’enrhume affreusement… J’espère, ajouta-t-il tout haut, que ces messieurs vont venir nous voir ?

— Oui certes, c’était convenu, répondit le major ; mais il nous faut d’abord vaquer à nos devoirs.

M. Goefle alla rassurer les dames, et les autres hommes procédèrent à l’enlèvement du cadavre de Massarelli, que l’on fit transporter par les deux prisonniers, le pistolet sur la gorge, dans un des celliers du gaard. Ceux-ci, bien liés, furent conduits ensuite dans la cuisine de Stenson, où le lieutenant et le caporal rallumèrent le feu et s’installèrent pour les garder à vue, tandis que le major se préparait à les interroger en confrontation avec Christian.

Christian s’impatientait de voir procéder si régulièrement dans une affaire que le major paraissait connaître mieux que lui-même ; mais le major, qui lui parlait en français, lui fit comprendre qu’avec un adversaire comme le baron, il n’était pas aussi facile qu’il le pensait de prouver même un fait patent et avéré.

— Et puis, ajouta-t-il, je vois avec regret que nous manquons un peu de témoins. M. Goefle n’a rien vu que le résultat de l’affaire. On ne trouve ici ni M. Stenson, ni son neveu, ni votre valet. J’espérais que nous serions plus nombreux pour vous défendre à temps et constater les faits de visu. Le sous-lieutenant et les quatre soldats que j’avais envoyé chercher n’ont pas encore paru. Malgré le rapprochement de nos bostœlles et des torps des soldats, il se passera peut-être, grâce au brouillard, plusieurs heures avant que nous ayons ici huit hommes sous les armes.

— Mais qu’est-il besoin de huit hommes pour en garder deux ?

— Croyez-vous donc, Christian, que le baron, en voyant, pour la première fois, échouer une de ses diaboliques combinaisons, va se tenir tranquille ? Je ne sais pas ce qu’il pourra imaginer, mais à coup sûr il imaginera quelque chose, dût-il essayer de faire mettre le feu au Stollborg. C’est pourquoi je suis résolu à y passer la nuit, afin de m’emparer, avec votre aide, des autres bandits qui nous seront probablement dépêchés soit avec des offres de service, soit autrement. C’est toute une bande de voleurs et d’assassins que la ma-