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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/666

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comme l’escadre anglaise à Tchesmé avait remorqué les vaisseaux russes.

Alors aussi, dans l’année 1827, illustrée par cet exploit, il ne manqua pas de gens pour trouver la victoire de Navarin stérile, inopportune et même malencontreuse [untoward). Ce fut l’expression mémorable d’un homme public célèbre, et sa plainte dans le parlement britannique.

Nous ne rechercherons pas ici les motifs d’intérêt immédiat et de lointaine prévoyance qui dictaient cet étrange langage et ce désaveu d’un combat que l’Angleterre avait très volontairement livré et d’un triomphe qu’elle partageait ; mais fut-il jamais victoire moins stérile que celle qui, venant arrêter l’extermination d’une race chrétienne, décidait le succès de la plus juste des résistances, et rendit possible et prochaine la formation d’un nouvel état civilisé ? On dit beaucoup alors que ce blâme de quelques politiques anglais tenait surtout à des rivalités de commerce dans la Méditerranée et à la crainte du nolis à bon marché des petits vaisseaux grecs. En vérité, cette sollicitude était bien peu sérieuse pour une si grande puissance, portant si loin et partout ses bras et son commerce. On n’approuva donc guère en France cette humeur de nos alliés, vainqueurs à leur corps défendant et faisant acte de contrition pour les vaisseaux turcs détruits à Navarin. L’esprit public français, alors si éveillé sur tous les intérêts de civilisation et de liberté, salua d’un vif enthousiasme le brave amiral Rigny, dont la décision entraînante et glorieuse ressortait si bien du regret tardif de ses confédérés. La joie de cet événement fut générale en France, et les talens le plus chers au pays, de Casimir Delavigne à Victor Hugo, la célébrèrent avec non moins de talent et de faveur populaire que n’en avait rencontré j adis Herrera.

Cette fois encore l’opinion commune et ce sentiment généreux, qu’on a cru rabaisser en l’appelant poésie, étaient d’accord avec l’histoire et devaient être confirmés par elle. Assurée par la victoire de Navarin, l’expédition de Morée en 1828 vint terminer la lutte laborieuse des Grecs contre un ennemi si supérieur en nombre et consacrer enfin une émancipation méritée par tant de souffrances et de courage. Que la prudence diplomatique ait fort limité le champ de cette émancipation, qu’elle ait retiré à la Grèce, pour les rendre aux Turcs, des parties même de son sol affranchi, quelques-unes de ces îles si commerçantes et si actives, mortes aujourd’hui sous la reprise de leur ancien joug, il n’importe : la reconnaissance de la Grèce par l’Europe fut un grand bienfait, autant qu’un acte de stricte humanité.

Et certes lorsque, dans ce royaume de Grèce fait systématiquement