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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/738

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de la physiologie. Pourquoi ne s’en tient-il pas à ces hardiesses régulières ? Pourquoi prétendre étudier la vie des âmes avant leur existence terrestre ? A travers toutes ces difficultés insolubles, l’esprit perd bientôt sa voie, et M. Fiente termine cette œuvre toute scientifique par des conjectures qui révoltent la conscience : n’affirme-t-il point que les âmes liées à des corps soufflans expient dans cette vie les fautes d’une vie antérieure ? A part ces fantaisies de l’imagination métaphysique, l’Anthropologie de M. Hermann Fichte est une œuvre vraiment neuve et féconde : elle indique des voies nouvelles à l’étude de l’âme. Le spiritualisme de l’auteur, uni à une connaissance précise des sciences physiques et naturelles, y gagne une autorité inattendue. Ses erreurs sont peu dangereuses ; les vérités sont généreuses et fécondes. J’admire surtout sa foi dans l’autonomie de l’âme humaine, et cette profonde explication de la mort, considérée comme une des phases nécessaires de la vie. M. Fichte s’élève à l’éloquence, lorsqu’il nous montre la physiologie expérimentale découvrant dans la nature de l’homme le principe d’une activité éternelle, et la science de l’organisation physique détruisant elle-même l’erreur qui vient de l’organisation physique, c’est-à-dire le faux amour du temps et la crainte de la mort.

À côté de M. Fichte, je l’ai dit, de nobles intelligences se sont dévouées à la même cause. Un physiologiste célèbre, M. Hermann Lotze, a fait pour les philosophes ce que M. Fichte a fait pour les physiologistes ; il a donné plusieurs ouvrages où la philosophie et les sciences exactes sont réconciliées au sein d’un spiritualisme supérieur. Il faut citer en première ligne sa Psychologie médicale ou Physiologie de l’Ame[1]. L’année même où M. Fiente publiait son Anthropologie, en 1856, M. Lotze faisait paraître un livre intitulé Microcosme, Idées sur l’Histoire naturelle et l’Histoire de l’Humanité[2], et cet ouvrage, dont on n’a encore que le premier volume, est, comme celui de M. Fichte, un essai d’anthropologie spiritualiste. Cette même année encore, un pasteur du Wurtemberg, M. Frédéric Fabri, soumettait le matérialisme des naturalistes et des physiciens à une discussion pressante. Après avoir établi que la science n’exclut pas la foi, que la foi n’a rien à redouter de la science, il s’écrie : « La lutte n’est pas aujourd’hui entre la science et la foi, mais entre la science superficielle et la science vraie, entre la science impie et la science religieuse. » Cette science religieuse, je voudrais pouvoir la louer sans réserve chez M. Fabri. Ses Lettres contre le Matérialisme contiennent des pages excellentes ; pourquoi faut-il que l’auteur

  1. Medicinische Psychologie oder Physiologie der Seele, von H. Lotze ; 1 volume, Leipzig 1852.
  2. Microcosmos. Ideen zur Naturgeschichte und Geschickte der Menschheit. Versuch einer Anthropologie, von Hermann Lotze ; 1 vol., Leipzig 1856.