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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/839

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religieuse qu’elle était forte dans sa tendresse, la pauvre mos s’imaginait faire le dernier et le plus grand des sacrifices à son fils, celui de son âme.

Le grand jour de la discussion de la thèse arriva. Le jeune homme quitta sa mère après une fervente prière. Madeleine avait trouvé la force de s’asseoir sur son séant pour mieux voir son fils, et lui dire en l’embrassant d’une étreinte passionnée : — Courage, mon Lavenou, tu vas combattre pour l’amour de Noélie, pour ton bonheur, pour ta mère !…

À peine le bruit des pas de Marcel se perdait-il dans l’escalier, que la pauvre femme, épuisée par cet effort suprême, retombait livide sur son oreiller. Marcel soutint sa thèse avec un talent remarquable. Les étudians le ramenèrent en triomphe, et les juges fixèrent au lendemain la proclamation du nom du vainqueur. Madeleine avait entendu de son lit le cortège joyeux qui accompagnait son fils.

— Maintenant je puis mourir, lui dit-elle en l’embrassant ; ton bonheur est assuré, et mon jour le plus doux sera celui où j’irai remercier Dieu d’avoir exaucé mes prières. Je sens qu’il me reste peu d’heures à vivre, écris à ton père. Le chagrin qu’il éprouvera de ma mort sera adouci par ton triomphe. Va me chercher un prêtre, mon Lavenou, et puis tu ne me quitteras plus.

Madeleine n’eut d’autre péché à confesser au digne curé de Saint-Pierre que sa tendresse passionnée pour Marcel, cause, disait-elle, de plusieurs fautes de sa vie. La pauvre femme appelait faute ce qui était de l’héroïsme, et le vénérable prêtre n’avait jamais donné l’absolution à une âme plus pure. Madeleine se trouva calme, sereine, heureuse, après avoir reçu les secours de la religion ; il lui semblait goûter d’avance les joies célestes, et la nuit fut presque douce pour la créature angélique qui se sentait mourir saintement sans l’agonie du corps et sans l’agonie de l’âme.

Marcel avait envoyé un exprès à Fabriac, et au point du jour une petite charrette conduite par l’ânesse de Rose amenait Jean, sa femme et maître Lavène devant la pauvre maison de la Rue-Basse. Rose et Jean pleuraient. Maître Lavène fut saisi d’une émotion profonde à la vue de sa pauvre femme mourante.

Pécaïre ! mon homme, dit la mourante avec sa bonté et son abnégation ordinaires, je vous fais faire bien du chemin avec le froid pour recevoir mon dernier adieu ; mais je n’ai pas voulu m’en aller dans l’autre monde sans vous voir encore une fois et vous prier de bénir votre fils.

Marcel plia un genou devant son père, et Madeleine reprit : — Mon homme, vous pourrez vous glorifier dans votre fils, il sera nommé