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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/870

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une usine à vapeur pour la mouture s’est élevée à Saint-Louis.

Les Maures, nous l’avons dit, ne cultivent pas et se trouvent par là sous la dépendance des noirs ; c’est un des motifs qui leur faisaient convoiter la libre et violente exploitation de la rive gauche du Sénégal, d’où ils tirent le mil dont ils ont besoin ; c’est aussi un puissant moyen d’action entre les mains de la France, qui, en leur fermant cette ressource toutes les fois qu’ils s’agiteront, les réduira au laitage de leurs troupeaux et à la gomme de leurs acacias, substances alimentaires dont l’insuffisance est évidente. De cette contrainte est résulté un premier bien. Les Maures recherchent maintenant aux comptoirs ce qu’ils ne peuvent ravir sur place, et le mil, dont Saint-Louis était autrefois l’unique débouché, y devient un article d’échange contre la gomme. Comme il manque aussi quelquefois aux habitans de la côte occidentale, que dessert le cabotage de Saint-Louis et de Gorée, il en est résulté de la hausse dans le cours de cette céréale, suivie de craintes pour la subsistance publique, au point que l’exportation en a été défendue en 1856, mesure un peu précipitée peut-être, et qui a dû être rapportée au bout de quelques mois. En effet, à voir les choses d’un peu haut, le renchérissement de la principale denrée agricole compense par de nombreux avantages une gêne passagère. La plus-value qui en résulte excite les noirs à la culture, les intéresse à l’amitié de la France, et rend plus onéreuse aux Maures leur oisiveté. Il est bon que l’économie commerciale enrichisse les hommes de travail et ruine ceux qui ne vivent que de pillage. Aussi ne faudrait-il pas gêner la spéculation qui voudrait distiller le mil pour le convertir en alcool.

Après le mil viennent par ordre d’importance le riz, petit de volume, mais de bonne qualité, qui croît spontanément dans les terrains submergés ; le maïs, qui se montre là, comme dans les pays chauds, un des dons les plus utiles et en même temps les plus abondans de la nature ; le tabac, dont on cultive deux sortes, l’un à priser, l’autre à fumer ; le sésame, rival de l’arachide, qui apparaît en petits lots sur le marché de Bakel ; le séné, le ricin, que l’on dédaigne de récolter ; quatre ou cinq espèces de soies végétales, et une multitude de légumes et de fruits dont plusieurs, dans les régions élevées et quelque peu tempérées du pays, rappellent à l’œil étonné et réjoui des Européens les jardins de leur patrie. Le froment même est cultivé sur une petite échelle dans quelques lougams ou champs du Fouta et chez les Maures Douaïches qui, à titre de Berbères, répugnent moins à la culture que les Arabes ; mais il n’a pas servi jusqu’à présent à l’alimentation des Européens de Saint-Louis, qui, sans se laisser charmer par le couscoussou, lui préfèrent le pain fabriqué avec les farines importées de France. Le sel marin, que fournissent avec une abondance inépuisable les salines de Gandiole,