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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/879

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mais la meilleure part des produits du pays s’écoule vers la Gambie, la rivière la plus voisine, où règnent les Anglais : il en vient cependant à Sénédébou quelques charges apportées par des caravanes, dont il ne semble pas impossible d’accroître le nombre.

On voit combien de perspectives s’ouvrent au commerce européen vers les horizons de la rive gauche et du cours supérieur du Sénégal. Des Maures eux-mêmes, nomades de la rive droite, il n’y a pas à désespérer. Les Douaïches élèvent beaucoup de bons et beaux chevaux. Les Trarzas et les Braknas, refoulés et cantonnés dans leurs déserts, seront un jour forcés par le besoin de se tourner vers le travail de la terre. En attendant cette résolution décisive et pénible, ils récolteront mieux la gomme de leurs arbres, et, pressés par la nécessité, ils la conserveront moins longtemps dans leurs silos. L’abondance de l’offre en fera baisser le prix, ce qui déterminera une évolution vers l’agriculture pareille à celle qu’ont accomplie leurs frères du nord dans la région de l’Atlas. Par cette simple esquisse des aptitudes du sol et des tendances de la population dans le vaste bassin dont un coin appartient à la France, on entrevoit combien serait mal comprise la colonisation de cette contrée, si elle ne visait qu’à améliorer quelque canton du Oualo, si elle s’appuyait sur les blancs seulement ou les hommes de couleur et non sur les noirs, si elle sacrifiait aux habitans de Saint-Louis ceux des campagnes, si elle poursuivait la naturalisation de végétaux exotiques, lorsque les plus utiles croissent de toutes parts spontanément. On aurait à gémir sur un second avortement.

Des mesures à décréter par l’administration, les unes se rattachent à la guerre, et nous les avons précédemment indiquées ; les autres, entrevues pour la plupart dans le cours de cette étude, se justifient parle plus simple exposé. Elles ont à peu près toutes un même objet : faciliter par eau et par terre la circulation, les échanges, le travail. On peut les résumer en quelques lignes. Dégager le Sénégal et la Falêmé des bancs de roches qui en rendent la navigation dangereuse pendant les basses eaux, construire des barrages pour créer des forces motrices et alimenter des canaux d’irrigation, élever des digues contre les débordemens nuisibles, creuser une passe dans les cataractes de Félou, à moins qu’il ne convienne de les tourner par un chemin à terre, encourager les constructions navales en amont de Bakel, où les bois abondent, et même à Saint-Louis, où le commerce a déjà construit en 1856 un bateau remorqueur ; obtenir le passage direct de Saint-Louis à Bakel et Sénédébou, à travers le Fouta, pendant la saison sèche, pour maintenir un courant continu de relations entre le haut et le bas du fleuve, aujourd’hui inaccessibles l’un à l’autre pendant sept mois ; multiplier les concessions définitives, ou,