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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/891

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Il y eut même à cette époque entre le gouvernement et l’assemblée législative une sorte de concurrence en faveur de l’Algérie. Les deux pouvoirs rivalisaient d’empressement à élever l’édifice de la nouvelle législation promise par la constitution républicaine. En décembre 1849, le ministère de la guerre nommait une commission chargée de préparer les projets de loi concernant la colonie. A la même date, l’assemblée confiait la même tâche à une commission spéciale. Au sein des deux commissions, la législation commerciale fut examinée, et dès le mois d’avril 1850 le gouvernement se trouvait en mesure de soumettre aux délibérations du conseil-général de l’agriculture, des manufactures et du commerce, réuni au Luxembourg sous la présidence de M. Dumas, un projet de loi sur le régime douanier de l’Algérie. Enfin la question fut portée devant l’assemblée, et après une discussion très complète la loi qui règle aujourd’hui encore la situation économique de la colonie fut adoptée à une majorité considérable.

Ce n’est pas sans intention que j’ai suivi dans tous ses détours la pénible route par laquelle a dû passer la loi de 1851, et que je me suis condamné à énumérer les travaux des commissions, les discussions du Luxembourg, les débats de l’assemblée législative, c’est-à-dire tant de préparatifs, tant de délais, tant de discours, sans compter les délibérations des chambres de commerce et les mille voix de la presse. Cette lenteur de décision peut impatienter les esprits ardens et faciles, qui fuient l’objection, méprisent l’amendement et n’apprécient que le vote ; mais, lors même qu’elle serait poussée à l’extrême, ainsi que nous venons de le voir, elle présente un avantage incontestable en ce sens que, laissant à toutes les opinions la faculté de se produire, à tous les argumens le temps de s’épuiser en quelque sorte dans les derniers efforts de la lutte, elle produit des résultats durables. Si les lois politiques veulent en général être faites rapidement, il n’en est pas de même des lois économiques. Les premières sortent d’une situation plus ou moins nette que le législateur juge au coup d’œil, avec son instinct plus ou moins sûr, trop souvent avec ses passions ; elles n’ont parfois de vertu que par l’à-propos et la promptitude. Les secondes, intervenant dans le règlement d’intérêts contradictoires, affectent nécessairement les uns ou les autres, et, ce qui est plus grave peut-être, elles tracent aux capitaux et au travail la direction dans laquelle ils doivent s’engager. Il convient donc qu’elles soient préparées très mûrement : il est équitable que les intérêts qui se prétendent lésés obtiennent en temps utile tous les moyens de se faire entendre. L’improvisation en pareille matière serait à la fois une faute et une injustice, et les intérêts, plus persévérans, plus opiniâtres, plus vindicatifs que les passions, se redresseraient sans relâche contre un arrêt qui les aurait frappés par surprise. Il s’agissait, dans le projet de loi voté en 1851, de décider que les produits naturels de l’Algérie seraient désormais admis en franchise de droits dans la métropole. La législation de 1843, qui les accueillait déjà par faveur, moyennant le paiement de la moitié des droits