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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/903

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sans fausse honte, emprunter tantôt au système de la protection, tantôt à la doctrine libérale les procédés de législation qui mènent le plus directement au but. C’est une question de discernement. On peut donc, sans mériter le reproche d’inconséquence, se rallier à une opinion mixte qui a été exprimée par de bons esprits, et qui recommande à la fois la suppression de toutes barrières de douane entre l’Algérie et la France, ainsi que le maintien des faveurs spéciales que la loi de 1851 a conservées à l’Algérie pour l’importation des marchandises étrangères.

A vrai dire, si l’on ne s’en tenait qu’au présent, l’Algérie aurait obtenu presque tout ce qui lui est absolument utile quant à ses échanges avec la métropole. Le gouvernement peut augmenter, par voie de décrets, le nombre des produits admissibles en franchise et pourvoir ainsi au traitement des produits nouveaux qui se révéleraient ; mais il y a dans cette situation un élément d’incertitude qui pèse sur l’avenir et paralyse l’esprit d’entreprise. L’admission en France d’un nouveau produit du sol algérien dépend d’une décision administrative ; cette décision peut être lente, elle sera peut-être refusée, si certaines influences de la métropole se jettent à la traverse. Dans le doute, le colon hésite à essayer de nouvelles cultures, et le capitaliste, en homme prudent, s’abstient tout à fait. Les questions relatives à la concurrence que les produits algériens feraient sur notre marché aux produits français ont été décidées en principe par la loi de 1851. Quand on a admis la franchise pour les céréales, pour les laines, pour les bestiaux, pour les huiles, comment hésiterait-on à étendre le même régime à tous les autres produits naturels ? Qu’on lève donc la restriction tacite qui résulte de la loi, et l’effet moral de cette mesure sera excellent.

Pour les produits fabriqués, les intérêts de la colonisation exigent impérieusement qu’on leur ouvre, comme aux produits du sol, le marché de la France. Les défenseurs du régime prohibitioniste n’ont aucune bonne raison à faire valoir contre l’importation de marchandises fabriquées sur une terre française, avec le capital et par les bras de nos colons. En ce moment, l’Algérie n’est point manufacturière, et sa concurrence serait nulle pour la métropole ; mais négligeons cet argument, qui, tout en voulant rassurer des intérêts trop prompts à s’alarmer, ne tromperait personne. Il vaut mieux dire les choses franchement et déclarer sans détour que cette concurrence, fût-elle sérieuse, le bon sens et la justice commanderaient de la tolérer et de l’accueillir. Il importe en effet que l’industrie se développe en Algérie et qu’elle exploite les branches de travail qui, sous ce climat et avec la population que l’on aura sous la main, paraîtront avoir chance de vie. Comme on peut le voir par l’exemple de nos départemens du nord, l’agriculture est d’autant plus prospère qu’elle s’exerce dans le voisinage d’une plus grande activité manufacturière, et le nombre, ainsi que la richesse de la population, s’accroît en raison des facilités que le capital et le travail rencontrent pour se porter simultanément ou successivement, dans les limites d’un même horizon,