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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/912

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trois lieues de là, sur le revers d’une haute montagne. Une petite plate-forme, commandant des pentes abruptes qui conduisaient à la vallée, nous servait d’abri. La muraille de rochers se dressait à pic derrière nous et se prolongeait sur la droite pendant une lieue. Elle ne laissait que deux issues aux animaux qui cherchaient un refuge dans les épais fourrés dont les escarpemens, d’une hauteur de près de six cents pieds, étaient garnis. Un lac bleu s’encadrait dans le sable, comme un saphir dans un anneau d’argent, pendant que de l’autre côté de l’étroite vallée une montagne grise s’élevait parallèlement aux bords du lac, pour se rapprocher, en changeant de direction à deux lieues environ vers le nord, d’une autre montagne à l’aspect terne et triste. Du côté du sud au contraire, les espaces succédaient aux espaces, les horizons aux horizons, et le regard se perdait dans une ligne de brumes bleuâtres, sans pouvoir reconnaître où finissait la terre, où commençait le ciel. — Sur toutes ces étendues planait le calme des solitudes sans végétation ; à peine si l’on entendait le battement de l’aile des gros oiseaux de proie, et cependant la pression des grandes rêveries se faisait sentir. Comme si l’esprit qui tira l’univers du néant eût laissé son souffle se reposer en ces lieux, l’âme de la créature se retrempait et retrouvait une vigueur nouvelle. L’attraction de l’immensité, la beauté de l’infini, élèvent la pensée, la pénètrent, et forment comme un accompagnement majestueux aux mille impressions diverses que fait naître la contemplation d’un spectacle si magnifique et si varié. L’isolement et la grandeur vous domptent. La terre commande en maître, et l’on s’incline devant cette éclatante beauté de l’œuvre de Dieu.

Donald avait pris place sur la plate-forme ; son regard attentif suivait les mouvemens des rabatteurs. Les cris et les hurrahs qui signalaient la présence d’un cerf se firent entendre ; mais l’animal, averti sans doute par son instinct, se dirigeait vers le passage que l’on n’avait pu garder. Le silence n’était plus nécessaire. Il fallait attendre maintenant les rabatteurs, et chacun, suivant son caractère, avait toute liberté pour se plaindre, interroger les gardes et chercher ainsi à se donner encore un dernier espoir.

— Eh bien ! Donald, que pensez-vous de la chasse ?

— Votre honneur le sait aussi bien que moi. De ce côté les cerfs sont avertis, nous n’aurons plus rien.

— Maudit soit alors le messager qui les a prévenus !

— Votre honneur peut ne pas le croire, mais les animaux ne sont pas sans amis, et si nous avons notre ange gardien, ils ont les esprits qui les protègent.

Et comme nous n’avions pu retenir un sourire : — Oh ! reprit Donald, ils ne sont pas méchans, mais ils veillent sur ceux qu’ils aiment et rendent l’approche difficile. Puis, ajouta-t-il à mi-voix,