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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/917

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protectrice ? Elle porte bonheur à celui qui la trouve. Écoutez plutôt. — Et notre hôte nous traduisit, une à une, les strophes que la voix inconnue semblait nous adresser.


« Il fait bon respirer l’air, l’air libre, que rien n’arrête en sa course !

« Celui-là enveloppe le cœur de l’homme, le soutient et bannit la crainte.

« Quand il frappe le visage, sa secousse fait courir le sang. On est heureux, seul sur la montagne !

« Là pousse la petite bruyère blanche, la petite bruyère que la fée protège !

« Depuis quinze jours, je la cherchais ; depuis quinze jours, je ne pouvais la trouver,

« Et ce matin elle est venue sous mes pas, petite mignonne au cou de cygne !

« Plus de courses, plus d’entreprises ! la frayeur m’enveloppait.

« Le brouillard s’est dissipé, je vois ma route… Merci, petite fée messagère !

« L’homme des basses terres grincera des dente… Cette nuit, j’irai visiter ses troupeaux,

« Moi, Mac-Fy, le libre coureur… Qu’il fait bon respirer l’air libre que rien n’arrête !

« Le pays m’appartient, tous me connaissent et me saluent… Les esprits sont mes amis.

« Ils m’ont donné le sort pour mes haines. On le sait bien, et moi aussi.

« Le pays m’appartient, je plante mon couteau à mes pieds. Qui dirait non ?

« Petite bruyère, que tu es belle ! Je t’ai placée sous mon cœur[1], bruyère qui porte bonheur !

« Petite bruyère, merci d’être venue !… Il grincera des dents cette nuit, l’homme des basses terres. »

Un cri de défi, éclatant comme une fanfare, retentit à la fin de la dernière strophe, et au même instant un montagnard d’un aspect sauvage sortit des joncs et s’arrêta sur la pointe du rocher.

— L’outlaw ! voilà l’outlaw[2] ! il nous salue ! ce fut le cri général.

— L’outlaw, reprit en riant M. E…, est l’un de mes bergers, bien étonné lui-même de faire paître ses chèvres dans cette île, naguère si redoutée. Si Mac-Fy vivait encore, ce berger ne serait pas là, je vous assure.

— Et pourquoi donc ?

— Parce que, passionné pour l’indépendance et dominé par l’amour

  1. La langue gaélique ne renferme point le mot aimer, mais elle emploie cette périphrase pour exprimer cette idée.
  2. La traduction littérale est le proscrit. On emploie souvent ce terme pour désigner les braconniers et les coureurs des bois.