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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/117

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ses qu’on ne trouve que dans les forêts de sapins. L’armailli porteur de la clochette tomba sans défiance au milieu de l’embuscade. Les premiers douaniers le laissèrent passer à dessein; les derniers l’arrêtèrent et l’un d’eux saisit l’instrument, qu’il se mit à son tour à faire retentir. Le second armailli suivait à une centaine de pas de distance; trompé par le bruit de la campène, il continua d’avancer et fut pris aussi par les arrière-postes avant d’avoir pu faire usage de son cornet à bouquin. La troupe ne tarda pas à paraître. La clochette continuait à sonner, mais elle n’avançait point; inquiet de l’entendre toujours à la même place, le chef du convoi fit faire halte aux hommes pour reconnaître le terrain avant de s’y engager. En ce moment partirent plusieurs coups de fusil; ce n’était qu’un signal; les armes avaient été déchargées en l’air. L’effet n’en fut pas moins grand sur les contrebandiers, qui demeurèrent frappés de stupeur. Ils voulurent fuir, se renversèrent les uns les autres, s’embarrassèrent dans les broussailles; les douaniers se précipitèrent sur eux, les enveloppèrent de tous côtés. Quelques-uns échappèrent cependant, mais pour être ramassés dans leur fuite par la brigade de Bois-d’Amont, embusquée depuis le matin sur un de leurs flancs et accourue au signal donné par les détonations. La victoire des douaniers était complète; quinze prisonniers, sans compter les armaillis et le chef du convoi, étaient entre leurs mains; quinze ballots gisaient sur le sol. Deux chariots à bœufs, requis au chalet le plus proche, reçurent le butin, et descendirent lentement vers Mouthe par les chemins difficiles de la forêt.

Revenons à Ferréol. La gaieté qu’il avait affectée en traversant les rues du village ne l’avait pas accompagné plus loin que la porte de la prison. Son convoi avait-il échappé aux gabelous? Était-il tombé dans leurs mains? C’était là pour lui une question de vie ou de mort. Dans le cas d’un désastre, qui voudrait encore lui confier des marchandises? de quel front oserait-il même se présenter devant les assureurs? Il essaya de se faire illusion sur l’issue probable de l’événement; après avoir bien balancé les chances bonnes et mauvaises, il n’arriva qu’à se convaincre que l’itinéraire de son convoi avait dû aussi être livré aux gabelous par le faux frère qui l’avait dénoncé lui-même, car il ne doutait pas que son malheur n’eût été le résultat d’une dénonciation. De nouveau il jura alors de tirer du traître une vengeance éclatante, mais ce traître, quel était-il? Il passa en revue l’un après l’autre tous les porte-ballots qui avaient pris part à l’expédition. Trois ou quatre avaient déjà été soupçonnés

  • de perfidies pareilles; le reste ne valait guère mieux. A l’exception

de Tony et d’un paysan, qui n’avait consenti que sur ses instances réitérées à faire partie de la bande, tous, y compris le vieux bra-