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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/161

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Anglais, prévoyant le péril, l’avaient en partie détourné en déclarant à Madlia-Dji-Sindyah leur intention de le laisser agir librement dans la province d’Agra. Ce prince entreprenant ne tarda pas à profiter des avantages qui lui étaient offerts. Tandis que la cour de Pounah, compromise par les allures belliqueuses de Tippou-Saheb, rompait avec le Mysore, tandis que Nana-Farnéwiz faisait les plus grands efforts pour ne pas exciter de nouveau la colère des Anglais et pour rester en de bons termes avec le vice-roi d’Hyderabad, Madha-Dji-Sindyah suivait d’un œil impatient les révolutions de palais qui venaient d’éclater à Dehli. Déjà il avait fait rentrer dans le devoir les petits chefs radjepoutes, qui s’étaient trop hâtés de secouer le joug; l’importante forteresse de Gwalior retombait aussi en son pouvoir après un long siège. Madha-Dji-Sindyah se trouvait donc aussi puissant que jamais; de plus, il avait sous ses ordres un aventurier[1] hardi et intelligent, Benoît de Boigne, qui commandait un corps de soldats réguliers disciplinés à l’européenne. Les troupes aux ordres de Benoît de Boigne étaient alors occupées à soumettre le Bondelkund. Lorsque Madha-Dji apprit ce qui se passait à Dehli, il se tint prêt à agir de ce côté. Mohammed-Beg-Hamadani, chef de l’une des deux factions qui se disputaient l’héritage du grand-vizir Noudjif-Khan, et Afrasiab-Khan, fils adoptif de ce dernier, sollicitèrent également son appui. Afrasiab-Khan représentait, dans cette lutte, le parti de l’empereur; ce fut à son envoyé que Sindyah promit aide et protection, jugeant plus utile à sa propre cause de vendre ses services à un souverain, même déchu, que de les prêter à un sujet rebelle.

A peine les premières ouvertures avaient-elles eu lieu, qu’Afrasiab-Khan mourait assassiné. L’empereur se jeta aussitôt dans les bras de Madha-Dji-Sindyah en lui offrant le titre de grand-vizir[2]. Celui-ci refusa; il lui convenait mieux d’accepter le titre un peu moins sonore de vice-régent[3], à la condition de ne le porter qu’au nom du peshwa à la cour de Delhi. Sans cesser d’appartenir à la confédération des Mahrattes, et assez fort pour tenir en échec Nana-Farnéwiz, son rival, Madha-Dji-Sindyah devenait du même coup chef des armées impériales, gouverneur des provinces de Dehli et d’Agra, et enfin prince indépendant. Ces succès inespérés humiliaient l’orgueil de Nana-Farnéwiz. La maison de Holkar, représentée par Touka-Dji, souffrait aussi de l’élévation de Sindyah : elle se

  1. Le mot aventurier est pris ici dans sa meilleure acception. De Boigne était un homme honorable autant qu’habile, et qui prévit de bonne heure le triomphe des Anglais sur les princes indigènes.
  2. Amir-oul-omrah, seigneur des seigneurs. Voyez History of the Mahrattas, etc.
  3. Wakil-oul-moutlak.