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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/18

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celles-ci d’ailleurs paraissent stationnaires, tandis que le développement de celles-là est le fait le plus constant de l’histoire, la connaissance des unes doit l’emporter de beaucoup sur celle des autres, et l’âme humaine est un plus digne et plus pressant objet de science que l’univers qui l’environne.

Il semblerait maintenant que l’auteur va se trouver en plein accord avec cette classe de méditatifs qui reçoivent ou prennent le nom de philosophes ; mais, persuadé comme eux que la science de l’homme intellectuel et moral est la première de toutes, il n’est nullement d’humeur à leur accorder qu’elle ressemble à celle qu’ils appellent ainsi, ni qu’elle ait rien à voir avec les méthodes et les conclusions d’aucune métaphysique. Très jaloux de connaître l’esprit humain, il ne concède aucune valeur à la philosophie de l’esprit humain. La méthode des métaphysiciens est, dit-il, l’observation de l’esprit humain par lui-même, c’est-à-dire en réalité l’acte par lequel chacun observe les opérations de son propre entendement. Cette méthode est précisément l’inverse de la méthode historique. Le métaphysicien étudie un esprit, l’historien beaucoup d’esprits. Aussi la méthode du premier n’a-t-elle encore conduit à aucune découverte. On n’apprend rien qu’en examinant les phénomènes et, séparation faite de toutes les perturbations accidentelles, en obtenant pour résidu la loi qui les gouverne. Des observations assez nombreuses pour éliminer les dérangemens particuliers, des expériences assez délicates pour isoler les phénomènes, sont deux conditions, dont l’une au moins est nécessaire à toute science inductive, et dont aucune n’est remplie par la métaphysique.

D’abord il lui est impossible d’isoler les phénomènes, car quel homme a jamais pu s’abstraire complètement de l’influence des accidens externes ? Quant à la multiplicité des observations, le métaphysicien en fait si peu de cas que tout son système a pour fondement la supposition que l’étude d’un seul esprit donne les lois de tous les esprits. Or cette étude ne peut être entamée que par l’examen des sensations ou celui des idées, deux procédés qui ont donné naissance à deux écoles diamétralement opposées. L’une ne s’attache qu’aux notions nécessaires, l’autre ne connaît rien que de contingent. Si un antagonisme inévitable est le résultat des deux seules méthodes accessibles à la philosophie, celle-ci ne peut être d’une grande utilité pour l’histoire de l’esprit humain. C’est que les phénomènes de l’âme doivent être étudiés, non dans l’esprit de l’observateur, mais dans les actions de l’espèce humaine prise en masse. Ce sont des phénomènes de progrès, et ca progrès est ou moral ou intellectuel ; il intéresse le devoir ou la connaissance. Les peuples ne peuvent avancer autrement. Ni l’un ni l’autre de ces deux élémens ne