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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/301

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chanceux pour qu’on s’appuie entièrement sur cette culture. Il est vrai qu’elle produit quelquefois des bénéfices énormes : j’ai vu un acre de houblon donner par récolte un profit clair de 30 et même de 50 livres sterling; mais il faut, pour s’aventurer dans cette entreprise, des fermiers qui aient à la fois de grands capitaux et le caractère spéculateur. Quand elle réussit, une houblonnière est l’orgueil et l’amour (love) de l’agriculteur enthousiaste. Ce jardin dans lequel vous êtes a été planté il y a sept années : il est beau, je l’avoue; mais en le voyant vous ne vous doutez guère, je suis sûr, des peines ni des dépenses qu’il a coûtées. Une grande affaire, quand le terrain a été fouillé, épierré, enrichi d’engrais, quand les jeunes plants ont été disposés avec art et symétrie, c’est l’achat des perches. Il est nécessaire à la santé des houblons que l’air et la lumière jouent librement dans toutes les directions; aussi vous remarquerez que ces hautes perches sont placées de manière à laisser vers le midi de plus larges ouvertures, par lesquelles s’introduisent les rayons du soleil. Il a fallu ensuite lier les vignes aux perches : c’est une branche de travail qui emploie beaucoup de personnes, surtout des femmes. On attache les tiges avec des joncs, mais de manière à ne point gêner le mouvement de croissance. Le houblon veut être soutenu, protégé; il ne veut point être gouverné. Plus tard, quand les houblons ont atteint le sommet des perches, des ouvriers viennent avec des échelles pour retenir celles des vignes qui paraissent d’humeur à s’égarer. Il se passe ainsi de deux à trois années avant qu’un shilling soit entré dans la poche du fermier. Il y en a, je le sais, qui veulent tirer des produits de leurs houblons dès la première année, mais c’est au grand détriment des récoltes futures, et ces gens-là mangent leur bien en herbe. Je ne songe pas d’ailleurs sans tristesse que d’ici à quelques années cette plantation si riche, qui a demandé tant de soins, dont les vignes se couronnent chaque été de si belles grappes, subira la loi du temps. Les plantations de houblon vivent de quinze à vingt ans dans les bonnes terres; mais elles commencent à décliner après la dixième année. Heureusement la récolte de 1858 sera belle, et vous voyez que les bras ne manqueront pas à l’ouvrage. Nous sommes avertis de la maturité quand la grappe ou la fleur qui contient la semence tourne du jaune paille au brun. Plus tard, elle prendrait une teinte plus sombre, qui ne serait point à l’avantage du produit. Il n’y a donc pas de temps à perdre, et cela vous explique le grand concours de personnes étrangères au district que nous avons engagées pour le hop-picking. »

Ce jeune homme, qui était le fils d’un riche fermier, me fit les honneurs de chez lui, — car il était réellement chez lui, au milieu