Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Autriche à la guerre d’Orient, qu’elle n’a pas faite ; mais est-il juste que la France n’y ait rien gagné, pas même le droit de faire triompher la justice et la raison ? Est-il juste que, pendant que l’Autriche continue dans la paix les succès qu’elle a remportés de loin dans la guerre, la France soit amenée à comprendre qu’à mesure qu’elle s’est éloignée de ses jours de victoire, elle a perdu l’influence légitime que ses victoires lui avaient procurée ? Comparez en effet, dans cette affaire des principautés, les premiers jours avec les derniers. En 1855, M. le baron de Bourqueney, dans le mémorandum du 26 mars, disait qu’il y avait lieu de croire que la cour suzeraine, la Turquie, était favorable à l’union des principautés, et comme la cour suzeraine était encore en péril, comme nos troupes étaient en Orient, la cour suzeraine avait grand soin de ne pas démentir les espérances de la France. En 1856, dans la séance du congrès du 8 mars, quand M. le comte Walewski proposait l’union des principautés, quand lord Glarendon l’appuyait si énergiquement, quand le comte Orlof exprimait d’une manière vive et opportune le consentement de la Russie à cette union, la Turquie alors et l’Autriche ne résistaient que timidement au vœu du congrès. La guerre, en ce moment, finissait à peine ; les acclamations que la prise de Sébastopol avait excitées en Europe retentissaient encore à toutes les oreilles. La reconnaissance était toute fraîche ; l’ingratitude était en germe, mais elle avait besoin de temps pour pousser. Pourquoi le congrès, pourquoi la France surtout n’a-t-elle pas, à ce moment, fait décider l’union ? Pourquoi par trop de modération et trop de courtoisie a-t-elle accordé du temps ? On a bien employé ce temps contre elle. La cause de l’union des principautés a été perdue le 8 mars 1856, précisément parce qu’elle n’a pas été gagnée ce jour-là.

Cependant en 1857, un an seulement après la guerre, le gouvernement français croyait encore qu’il ferait prévaloir sa politique sur la question des principautés ; il croyait encore à la sagesse de la Porte-Ottomane ou à sa reconnaissance. En 1858, ces généreuses espérances ont été forcées de se dissiper. Deux ans de paix, deux ans de négociations nous ont fait perdre tout ce que la guerre nous avait fait gagner.

Est-ce à dire que, pour punir l’ingratitude de la Turquie, nous demandons que la guerre se rallume en Orient ou en Europe ? À Dieu ne plaise que nous ayons de pareilles idées ! Elles sont insensées. Nous avons lu, il y a trois mois à peu près, une brochure intitulée : l’Empereur Napoléon III et les principautés, qu’on voulait faire passer pour semi-officielle. Le gouvernement l’a désavouée, et il a eu bien raison. L’auteur anonyme de cette brochure