Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Séville, du vieux général de la guerre de l’indépendance et des guerres d’Amérique, du grand propriétaire de l’intérieur, de la pauvre femme de village, du moine décloîtré, du pêcheur des côtes et même du bandolero se succèdent ou se groupent dans ces romans de la Gaviota, Clemencia, la Famille de Alvareda, Elia, dans tous ces récits à la trame plus facile que forte dont l’Espagne est au fond la véritable et unique héroïne.

L’Espagne, dis-je, est l’héroïne de Fernan Caballero; il faut dire plutôt l’Andalousie. Quand on descend de France en Espagne, après avoir traversé le pays basque, cette Suisse pyrénéenne, les plaines nues et poudreuses de la Castille et la Manche, où n’erre plus don Quichotte, le bon chevalier, on arrive à une sauvage sierra et au passage presque effrayant de Despeña-Perros. La route se replie comme un serpent autour des flancs de la montagne. Nulle trace d’habitation humaine, peu d’arbres, et dans l’intervalle des rochers le lit de quelque torrent entraînant un peu de terre végétale. Quand on a franchi le puerto et qu’on arrive à mi-côte sur l’autre versant, tout change d’aspect. Le bleu du ciel semble devenir tout à coup plus lumineux et plus pur. L’aloès et les lauriers-roses annoncent une contrée nouvelle, qui se déroule jusqu’à Cadix, en passant par Cordoue, Ecija, Séville. C’est toujours l’Espagne sans doute, mais c’est une Espagne à demi orientale. La nature est parfois nue et desséchée par un soleil ardent, parfois aussi la terre ressemble à un jardin. La sierra aux teintes fauves alterne avec les vegas couvertes de moissons. D’immenses prairies, où les troupeaux paissent en liberté, rappellent les savanes américaines, qui elles-mêmes, par une sorte de solennité mystérieuse, font souvenir de l’Orient. Cette partie de l’Espagne, qu’on nomme la Basse-Andalousie, a pour ceinture l’Océan, et sur cette bordure qui trempe dans la mer, ou dans un rayon peu étendu, sont dispersées des villes d’une couleur originale. C’est Cadix, « qui s’avance à travers les flots comme pour aller au-devant de ses escadres. » A deux lieues de la côte, c’est la noble et commerçante Jerez de la Frontera, « entourée de ses vignes fameuses soignées comme des princesses, et de ses champs de blé dont les tiges inclinent leurs têtes dorées. » Un peu plus loin du côté de Séville, c’est la vieille Carmona, la ville mauresque assise sur une roche, « semblable à un belvédère que quelque roi de la Basse-Andalousie eût élevé pour contempler d’un regard tous ses domaines. » Au pied des rochers s’étend la vega, « verte comme l’espérance au printemps, dorée comme l’abondance en été. »

Au reste, voulez-vous voir se dérouler un de ces spectacles de l’Andalousie, placez-vous avec le poète ou avec le peintre sur une hauteur de Puerto-Santa-Maria. Tout se réunit, la clarté de l’atmo-