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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/421

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la circulation, et en effet il agit sur les phénomènes de l’ivresse.

Enfin il est des substances qui ont une action directe sur le système nerveux. Un jour peut-être, on découvrira que c’est une action chimique ou physique sur la substance des nerfs ou sur un agent nerveux inconnu. Pour le moment, il faut admettre le fait sans tenter de l’expliquer et l’employer à l’étude des phénomènes qui nous occupent. On connaît depuis longtemps quelques-unes de ces substances dont les médecins se servent dans des cas de paralysie. Ainsi l’on a souvent obtenu de bons effets de la strychnine, et en sens inverse il est clair que, dans les empoisonnemens qu’elle cause, les accidens tétaniques, le spasme musculaire, la raideur, les fourmillemens, les convulsions, en démontrent l’action immédiate sur le système nerveux. C’est M. Fouquier qui conseilla le premier de l’employer contre la paralysie, et elle n’a pas toujours été inutile. L’action de la strychnine sur l’organisme ne peut dans tous les cas s’expliquer, aujourd’hui du moins, par aucune théorie de la chimie ou de la physique. En outre, une substance singulière, découverte dès l’année 1575, mais dont les propriétés ne sont connues que depuis peu de temps, le curare, agit d’une façon spéciale et évidente sur les nerfs. Il est formé par le suc d’une ou de plusieurs lianes mal connues, car il n’a jamais été scientifiquement préparé; on l’a toujours importé d’Amérique, et les voyageurs qui ont assisté à la confection du curare ne sont point d’accord sur la nature des plantes employées ; mais que ce poison soit constitué par le suc du mancenillier, par celui de la racine de woorara, par l’essence de worba corbacoura, par le lait de l’euphorbia colinifolia, du guateria veneficorum, du bejuco de mavacure, etc., comme l’ont cru successivement La Condamine, Bancroft, M. de Humboldt, M. Boussingault, M. Goudot, cela est peu important pour nous. Ce qui est certain, c’est que depuis longtemps on connaît une propriété de ce poison regardée autrefois comme merveilleuse : il tue s’il est introduit dans une veine, mais on peut l’avaler impunément. C’est dans une dissolution de curare que les sauvages trempent ces flèches dont la moindre blessure est mortelle, tandis que la chair des animaux tués ainsi n’est nullement vénéneuse. D’un autre côté, et cette découverte est plus récente, les convulsions de l’animal, ses mouvemens, la rapidité de sa mort, tous les symptômes en un mot, démontrent une altération profonde du système nerveux. Cette altération n’est malheureusement pas visible, mais peut-être est-il possible de savoir sur quels nerfs le poison agit, et si ses effets sont analogues à ceux de la strychnine. On vient de voir que le système nerveux n’est pas simple, et que les nerfs du mouvement sont distincts des nerfs de la sensibilité. Quels sont donc les nerfs lésés?