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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/423

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comme pour fuir et échapper à la douleur. Il n’est pas nécessaire de réfléchir beaucoup pour comprendre cette démonstration, et il est clair que, dans ce cas, le système moteur est atteint, tandis que les nerfs sensitifs sont intacts. De plus, le curare agit directement sur les nerfs et non sur l’encéphale et les centres nerveux, car, si ces derniers avaient perdu leurs propriétés, les nerfs des pattes non empoisonnées n’auraient pu conserver les leurs.

La strychnine de son côté, que l’on extrait de la noix vomique, agit en sens inverse. Elle tue avec une grande rapidité, et pourtant, administrée avec soin, elle divise aussi les deux systèmes, mais en sens inverse. Elle éteint la sensibilité tandis qu’elle respecte le mouvement. Les animaux soumis à son action ne vivent pas longtemps; mais avant que n’aient commencé leur agonie et les convulsions violentes qui la terminent, il est possible de les observer. D’ailleurs ces convulsions mêmes sont les preuves que le nerf moteur est plutôt excité qu’endormi. Les mouvemens volontaires paraissent cependant avoir cessé, mais par une conséquence de la disparition de la sensibilité. Les nerfs peuvent bien encore faire contracter les muscles; quant aux causes qui agissent sur les organes pour déterminer cet envoi de l’agent nerveux, elles n’existent plus. Lorsqu’on oppose un obstacle à un mouvement de l’animal, celui-ci ne sait comment le vaincre, car il a perdu le sentiment de sa force; il ne distingue plus le poids ni le danger de ce qu’il veut fuir; il n’a nulle conscience de ce qui se passe ni sur lui, ni à côté de lui, et aucun de ses mouvemens n’a de précision. La sensibilité est donc une partie, une cause de la volonté; la volonté n’est peut-être, sous ce rapport, qu’une transformation de la sensibilité. M. Flourens a démontré que le siège de la volonté est cette partie du cerveau qui porte le nom de moelle allongée. Là est aussi celui de la faculté de sentir. L’une et l’autre se transmettent également par les mêmes organes. Les substances qui tuent le mouvement n’agissent point sur la volonté, tandis qu’elle disparaît avec la sensibilité. Dans l’empoisonnement par le curare, tout mouvement volontaire cesse, mais la volonté d’agir semble persister, tout impuissante qu’elle est. Dans l’empoisonnement par la strychnine, le mouvement reste intact, mais la volonté est abolie. Il y aurait à faire sur ce point des restrictions, des remarques et des distinctions, mais nous ne nous occupons que des faits, et l’on voit combien ces deux substances sont précieuses. L’emploi du curare et de la strychnine eût fait découvrir autrefois la division des nerfs en nerfs moteurs et nerfs sensibles. Aujourd’hui il a servi à la confirmer, et l’on conçoit combien de vérifications et d’expériences ces deux agens peuvent faciliter.

Les poisons agissent sur le système nerveux et nous aident à con-