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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/475

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porte quelque intérêt à la cause de la liberté et de l’honnêteté dans le monde, le spectacle que donne en ce moment la Prusse est une grande consolation. La Prusse est le premier pays du continent qui échappe enfin à la réaction qu’ont provoquée les désordres de 1848. Bénie soit l’heure où quelque part en Europe la réaction libérale succède honnêtement et pacifiquement aux réactions absolutistes! Heureux le peuple qui jouit le premier de cette bonne fortune, et qui le premier donne ce bon exemple ! Arrêtons-nous un moment sur ces nobles commencemens de la régence du prince de Prusse. Pourquoi a-t-il été donné au prince de Prusse d’imprimer le signal d’une renaissance libérale? Pourquoi la constitution de 1850, par laquelle est réglé le gouvernement représentatif de la Prusse, cette constitution si mal reçue à son origine, si vivement attaquée depuis par les uns, si mollement négligée par les autres, et si mal observée par le gouvernement, est-elle devenue aujourd’hui l’espérance de la nation prussienne? Ce sont des questions qu’il vaut la peine d’examiner.

Nous attribuons la signification libérale qui s’attache à l’avènement du prince Guillaume à la constance d’esprit et de caractère que ce prince a montrée à travers les troubles et les incertitudes de ces dernières années. Il suffit d’un esprit droit et modéré uni à un caractère solide pour faire un libéral constant. Du roi Frédéric-Guillaume ou du prince de Prusse, lequel en 1848 paraissait le plus libéral? C’était le roi : le prince au contraire passait alors pour un conservateur froid et un réactionnaire déterminé. Quelques années plus tard, le prince était resté le même : il était pourtant devenu l’espoir du parti constitutionnel, tandis que le roi de Prusse s’était livré aux ennemis déclarés du régime constitutionnel. C’est que, par les temps de révolution, vous verrez toujours dans l’un ou l’autre excès les esprits légers et déréglés, les caractères faibles, ou les hommes sans scrupules : l’anarchiste ou le conservateur efféminé de la veille sera l’absolutiste du lendemain, tandis qu’une conviction ferme, unie à une conscience résolue, n’aura qu’à laisser couler le courant des choses qui passent et des hommes qui changent pour reprendre peu à peu dans l’opinion cette autorité persuasive qui distingue l’esprit libéral. Nous ne voudrions point établir entre le roi de Prusse et le nouveau régent un parallèle que ne justifieraient point les convenances. Nous savons tous les titres que les qualités généreuses ou brillantes de cœur et d’esprit que possédait le roi Frédéric-Guillaume lui assurent à l’indulgence de l’histoire ; après s’être laissé emporter par ses qualités mêmes à des chimères qui séduisaient les passions de la démocratie allemande, par une égale faiblesse d’intelligence et de caractère il s’est ensuite précipité dans la réaction féodale, à laquelle il avait fini par abandonner la domination de la Prusse. Le prince au contraire n’avait rien cédé aux rêves de 1848 ; il n’avait rien à sacrifier aux réactions qui ont suivi. Animé de ce patriotisme allemand qui a toujours distingué la maison de Hohenzollern, comprenant comme les meilleurs esprits de sa race que le pouvoir monarchique de la Prusse trouve sa force dans une étroite relation avec le sentiment national, il n’a eu qu’à rester fidèle à lui-même pour comprendre que la constitution était le pacte de cette alliance du pouvoir royal et du peuple, alliance aussi utile à la maison royale qu’à la nation. Il a fermement adhéré à la constitution. En récompense, ceux qui dans leur