Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/512

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaleur a été extrême et sans adoucissement, ni le matin, ni le soir. La nuit dernière, j’en ai fait l’épreuve, il y avait à minuit, sous les orangers, 37 degrés centigrades, température extraordinaire à pareille heure et en pareille saison. J’ai tâché de me figurer ce que des arbres pouvaient souflrir, en les voyant tordus à se rompre dans une lutte impossible à peindre, barrasses d’efforts, et comme écartelés entre le vent qui voulait les arracher du sol et ce terrible lien des racines qu’ils ne pouvaient pas rompre. Il y eut un moment où tout sembla craquer ; une sorte de bruit déchirant sortit à la fois des entrailles de chaque arbre. Voyons, pensai-je, laquelle sera la plus forte, de la destruction ou de la vie ? La vie fut la plus forte, et je t’assure que je m’en sentis soulagé : pas un arbre ne fut déraciné. Seulement des milliers de branches et des milliers de feuilles tourbillonnaient dans l’air, et des centaines de fruits à demi mûrs roulaient par les chemins. Quant au long cyprès qui m’avoisine, soit solidité, soit souplesse, il pliait comme un jonc pour se relever aussitôt, sans paraître autrement souffrir ; puis, le souffle devenant continu, il demeura penché fortement soits le vent, et ne se redressa qu’au matin, à l’heure où tout à coup l’ouragan se calma. Au surplus, moi qui déteste le vent, je pardonne à celui-ci, peut-être en faveur de son origine, et je dis quand même au vent du désert qu’il est le bienvenu, comme à tout ce qui m’apporte des nouvelles directes du Sahara.

Autre particularité de la saison, qui donne au pays je ne sais quel aspect menaçant. Tous les soirs, nous voyons de longs incendies s’élever au fond de la plaine. Ce sont les Arabes qui brûlent les broussailles, suivant leur méthode expéditive de défricher le plus vite possible, sans le secours de la serpe ni de la charrue. Le feu suit la direction du vent, et se propage du sud-ouest au nord-est. Le jour, on n’aperçoit plus que des fumées un peu vagues, et qu’on prendrait pour des brouillards. Le soir, la flamme apparaît de nouveau, distinctement le feu reprend sa course, et l’horizon du Sahel en est éclairé d’une façon sinistre.

Ce soir, le khamsin est tombé à plat et comme par enchantement. Le ciel est presque bleu ; l’air est de l’air, et non plus de la poussière en ébuUition. Adieu donc jusqu’à deujain. Le rendez-vous est à Bab-el-Sebt ; l’heure indiquée, six heures. Nous pouvons compter sur le soleil, admirable compagnon qui jamais ne fait défaut. On lui dit : À demain ! on peut lui dire : À l’année prochaine ! Et si quelqu’un manque aux rendez-vous qu’il a donnés, ce n’est pas lui.


Au bivouac du lac Haloula, octobre.

Nous arrivons. Je suis donc où je voulais venir. La chasse com-