Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/720

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs qui domine dans les Horizons prochains, c’est la foi; mais il est plusieurs espèces de foi : la foi simple et la foi complexe, la foi naïve et traditionnelle, qui s’agenouille humblement et qui croit sans efforts et sans craintes, la foi individuelle et raisonnée, qui demeure debout et qui s’impose la croyance pour ne pas périr ; l’une est le repos dans l’ignorance, l’autre est le tourment dans le repos. Quelle que soit la forme extérieure qui lui est donnée, nous sommes porté à croire que la foi qui éclate dans les Horizons prochains appartient à la seconde espèce. Nous n’avons pas affaire ici à une âme simple, qui se contente de refléter une lumière qu’elle ne pourrait tirer de son propre sein ; nous sommes en présence d’un esprit éclairé qui se connaît et qui observe chaque chose comme il s’est lui-même étudié. Il ne peut entrer dans notre pensée, on comprendra aisément quel sentiment de convenance s’y oppose, de juger cette croyance en soi ni d’en discuter les raisons fondamentales. Nous n’en connaissons pas du reste la lettre exacte. Nous nous tiendrons donc à l’esprit pour ainsi dire littéraire qui en est la formule extérieure et aux relations morales que cette foi s’attribue avec les personnages choisis par elle-même. Qui sont-ils d’abord, ces personnages? Sont-ce des individualités au moins égales à celle de l’écrivain? sont-ce de brillans esprits avec lesquels il suffit d’un mot, d’un geste pour se comprendre? Non, avec ceux-là la discussion est trop prompte et l’enseignement moins direct. L’écrivain, fatigué peut-être du contact des hautes intelligences, est allé plus bas, et voici la raison qu’il donne lui-même de ce choix : « Ces existences cachées sont plus près du ciel que les nôtres; ces vies qui se déroulent à petit bruit sont mieux préparées aux prompts départs. On ne quitte pas grand’chose; on est mieux accoutumé à tout tenir de Dieu directement, les biens comme les maux; les rapports avec lui sont plus simples, le pli de l’obéissance est mieux formé. » Ce passage nous suggère une distinction assez délicate, mais elle doit, nous le croyons, nous fournir le couronnement de notre analyse et nous aider à compléter, sauf quelques détails, l’esquisse d’un caractère qui s’offre de lui-même à notre étude. Il nous semble que le spectacle de ces existences cachées change, suivant l’heure, de signification pour l’esprit qui le recherche de cette manière. Tantôt on s’en inspire, tantôt on le domine; tantôt c’est un appui indispensable pour notre propre foi, tantôt c’est une conséquence arbitraire et secondaire du cours des choses d’ici-bas. En un mot, on le contemple tantôt avec inquiétude, tantôt avec orgueil, et ce n’est que le parti-pris dans la croyance qui peut à la longue nous donner en face de lui quelque sérénité. Le savant qui aujourd’hui, confiant dans sa théorie, défie toute expérience qui puisse la renverser, qui demain, tremblant devant un fait vulgaire observé par hasard, y cherche à tout prix une confirmation, nous offre une Idée assez exacte de cette situation. Ce n’est pas que les âmes simples elles-mêmes soient exemptes de cette inquiétude; quand dans leur solitude et dans leur pauvreté elles se sont laissées aller aux longues méditations, leur mysticisme s’altère peu à peu au contact de la réflexion, leur esprit, borné quant à la connaissance, se rencontre après un certain temps avec les intelligences cultivées qui ont pour habitude de comparer et de juger; leur foi devient défiante, non point à l’endroit de ce qu’il faut croire, mais à l’endroit de ce qu’elles doivent espérer pour elles-mêmes. Elles désespèrent de