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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/727

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de l’année suivante, il y eut ce grand désastre qui suivit l’insurrection du Caboul, cette retraite sanglante où toute une armée anglaise (4,500 hommes) disparut homme après homme : son général, le vieil Elphinstone, mourant prisonnier de l’ennemi; les résidens anglais, Burnes et M’Naghten, traîtreusement égorgés; Shah-Soudja, le prince restauré, partageant leur destinée; l’Angleterre enfin réduite à évacuer l’Afghanistan après l’avoir réoccupé militairement, et laissant le pays à ce même Dost-Mohammed qu’elle en avait chassé naguère.

La conquête du Scinde et du Pendjab fut, pour nous servir d’une expression pittoresque de sir Charles Napier, « la queue de la guerre des Afghans. » Avant cette guerre, la compagnie n’avait que des alliés au-delà du Sutledje. Entre ses états et les sauvages montagnards campés au-delà de l’Indus, trois royaumes, simplement protégés par elle, lui formaient comme un rempart que les talens de Runjet-Singh avaient en partie consolidé : d’abord le Cachemyr et le Pendjab, gouvernés par cet homme remarquable; puis le Scinde, où régnait une sorte de confédération féodale dont les chefs ou émirs subissaient sans trop d’amertume, depuis 1832, la suzeraineté de leur puissante voisine. La politique anti-russe de lord Auckland et le parti pris de marcher sur Caboul ne permettaient pas de laisser ces états limitrophes à leur indépendance naturelle. De là violation forcée des traités, établissement d’une force subsidiaire anglaise chez les émirs et à leurs frais, cession des points militaires dont l’occupation permanente devenait une nécessité, contributions pécuniaires et contingent de soldats exigés pour les besoins de la campagne qui allait s’ouvrir, humiliation de ces souverains et ressentimens implacables qui, sans parler des vices de leur atroce domination, rendaient impossible aux Anglais, une fois maîtres du Scinde, d’y renoncer bénévolement au risque de laisser derrière eux des ennemis qu’il faudrait ultérieurement soumettre encore. Ainsi eut lieu en 1842 l’annexion de ce malheureux pays, qu’on vit renaître aussitôt, comme par enchantement, sous l’administration éclairée, rigide, impartiale de sir Charles Napier, après qu’il eut bien définitivement écrasé les émirs à Meanie d’abord (17 février 1843), puis à Hyderabad cinq semaines plus tard. Deux ans après, il devint indispensable de protéger les districts frontières, du côté du Pendjab, contre les continuelles razzias que se permettaient les Sikhs, chez lesquels régnait, depuis la mort de Runjet-Singh, l’anarchie militaire qui accompagne nécessairement une guerre de succession. Ce mouvement, qui leur parut agressif, détermina les Sikhs à se jeter eux-mêmes au-devant de l’ennemi qui semblait les menacer. Rassemblés d’abord autour du tombeau de Runjet-Singh, les soldats disciplinés par les généraux Allard et Ventura traversèrent le Sutledje