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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/754

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« Un tumulus a été élevé sur le tombeau que les gens du pays appellent déjà le Moofsedgar, le Trou-aux-Rebelles. On le voit de loin, et comme il est sur la grande route, les voyageurs demandent volontiers ce que c’est; ils ont ensuite tout le temps de méditer sur le récit qu’ils obtiennent pour réponse. L’inscription suivante, tombeau des rebelles, sera gravée en lettres capitales sur trois faces du petit édifice, en persan, en anglais et en goormookhi. »


Il y a quelque, chose de plus effrayant que ce récit, si lestement, si froidement, si gaiement rédigé : c’est le calme de conscience qu’il dénote chez le narrateur, et qui ne se dément pas même lorsque, renonçant à son bizarre enjouement, il expose avec un sérieux inaltérable les motifs de sa conduite. «Le crime était la révolte, dit-il; la révolte est punie de mort. La loi a été strictement exécutée; la politique exigeait qu’elle le fût. Nicholson venait de partir pour Delhi. La résistance prolongée de cette ville jetait les esprits dans l’inquiétude. Notre situation s’aggravait. Nous avions dans le Doab sept régimens et demi de cipayes désarmés, plus deux régimens (armés) d’irréguliers auxquels on pouvait à peine se fier. Une occasion aussi précieuse de frapper un grand coup, de produire une grande terreur, ne pouvait être négligée. L’Angleterre a le droit de compter sur le dévouement absolu de tous ses enfans. Comme le disait jadis Nelson, elle « espérait que chacun ferait son devoir. » En faisant le mien, j’ai prévenu peut-être cent fois plus de meurtres que je n’ai envoyé d’hommes au supplice. »

M. Cooper va plus loin : il flétrit, il insulte, il appelle « philanthrope pour rire (mock-philanthropist !) quiconque pensera qu’il a excédé ses pouvoirs et oublié les saintes lois de l’humanité. » La question se résume ainsi pour lui : « s’il y a un puits à Cawnpore, il y en a un à Ujnalla. » Et il ne s’aperçoit pas que le second fait presque oublier le premier. Une lettre semi-officielle le rassure d’ailleurs complètement. « Quand on l’aura lue, dit-il, on ne s’étonnera pas que le gouvernement du Pendjab soit si constamment heureux. » Lisons-la donc.


Sir John Lawrence K. C. B. à M. Cooper, esq., D. C.


« Lahore, 2 août 1857.

« Mon cher Cooper, je vous félicite de vos succès contre le 26e d’infanterie indigène. Vous et votre police avez agi avec beaucoup d’énergie et d’entrain ; vous avez bien mérité de l’état. J’espère que le sort de ces cipayes servira d’avertissement aux autres. Il faut faire tout ce qui sera humainement possible pour glaner ceux qui ont encore la clé des champs.

« Roberts vous laissera sans doute le soin de distribuer les récompenses, etc. »