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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/787

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et sur la portée de cette industrie, y verraient presque un perfectionnement de la gravure, ou tout au moins un équivalent ; mais, en dehors de ces usurpations ou de ces erreurs, la confiance dans le droit, le respect des hautes vérités subsistent. Au-dessus de l’atmosphère où s’agitent les sectaires de l’industrie à outrance et des progrès de rencontre, la région de l’art et des travaux intelligens n’est pas inhabitée encore. En dépit des circonstances contraires, l’école française de gravure persévère avec une obstination digne d’éloges dans la voie, chaque jour moins suivie, des efforts studieux. Seule aujourd’hui, et si réduite qu’elle soit, elle compte un ensemble de talens en quête, sinon en possession de tous les secrets, de toutes les lois de la gravure. Comparée aux autres écoles, elle représente l’art dans son acception la plus élevée, dans son expression la moins incomplète. Qu’y a-t-il ailleurs en effet ? En Allemagne, une école savante à certains égards, mais d’une science rétrécie par l’esprit de système et circonscrivant son action dans le cercle de la précision linéaire, du style sobre jusqu’à l’aridité. À Dieu ne plaise que nous méconnaissions la valeur des principes hautement spiritualistes, des sévères doctrines qui régissent l’art allemand depuis que M. Overbeck et ses disciples ont accompli dans leur pays une révolution légitimée de reste par les abus du dernier siècle ! Ce que nous voulons dire seulement, c’est que ces doctrines, très dignes de respect quant au fond, manquent, dans l’application, de puissance et d’étendue. À ne parler que de la gravure, il semble qu’elle n’ait d’autre objet au-delà du Rhin que le dessin sur cuivre de quelques contours soutenus à peine par des indications d’ombres pâles : dessin ferme plutôt que pur, rigoureux plutôt que choisi, et d’où, en tout cas, la vie est absente comme le ton et l’effet sont partout supprimés. Dans les Pays-Bas et en Italie au contraire, les œuvres peintes par les grands coloristes semblent seules l’objet des études et de la prédilection des graveurs ; toutefois, en reproduisant ces modèles, ni les élèves de M. Calamatta, ni même les élèves qu’a laissés M. Toschi ne font preuve, au point de vue de l’harmonie et du ton, d’un mérite assez éclatant pour racheter les erreurs très positives auxquelles ils s’abandonnent en matière de goût et de dessin. L’affectation de la facilité, une sorte de turbulence systématique, quelque chose de ce faire à la fois vide et surchargé dont Morghen a fourni les regrettables exemples, — voilà ce qui caractérise le plus souvent la manière actuelle des graveurs dans deux écoles qu’ont dirigées autrefois de si savans principes, et que tant de maîtres ont illustrées. Les travaux même les plus importans par la beauté des modèles ou le talent des interprètes se ressentent de ces habitudes générales. Depuis le recueil des Fresques du Corrège, — dont la