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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/951

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de M. Michelet. Nous avons remarqué et nous signalerons entre autres le terrible chapitre de galanterie médicale et d’hygiène voluptueuse qui porte ce titre étrange : Elle administre et gouverne le régime et le plaisir. Certes il aurait mieux valu ne pas l’écrire; mais enfin, puisque le mal est fait, il ne reste au lecteur qu’à profiter du péché de l’écrivain. On pourrait le signaler à l’attention de plus d’une honnête femme, il en vaut la peine, car il contient des conseils qui ne sont pas sans importance pour le bonheur à une certaine époque de la vie.

La dernière partie, qui traite de l’amour dans la vieillesse, du veuvage et de la mort, s’élève beaucoup au-dessus des deux premières : c’est la partie vraiment originale du livre. Par un contraste bizarre, M. Michelet, qui s’était souvent montré plus pimpant que passionné, et plus vif qu’ardent dans les descriptions de l’amour aux époques heureuses de la vie, a retrouvé toute sa flamme pour peindre les nobles aspirations de l’âme dans son automne. Sauf un ou deux petits détails malheureux, il n’y a plus dans ces pages rien de scabreux ni de hasardé. Toute trace de sensualité a disparu, la chair est devenue muette; il n’y a plus qu’une âme qui sent, souffre et espère. L’amour, libre désormais de ses convoitises humiliantes, purifié de ses équivoques désirs, revêt une grâce austère et prend une grandeur touchante qui lui manquaient à l’époque de son épanouissement voluptueux. Alors, malgré tout son luxe de métaphores amoureuses, tous ses enivremens, toute son impétuosité, l’on ne pouvait se dissimuler qu’il avait ce je ne sais quoi de commun et de trivial qui caractérise la matière et le plaisir; aujourd’hui le voilà noble, élevé, comme la vérité et la sainteté. A la créature terrestre, cendre et poussière, qui fut aimée, a succédé un esprit immortel et incorruptible; l’amour a vaincu la mort, et par-delà la tombe les époux se rejoignent. Dans les longues soirées solitaires, la veuve entend l’âme de son mari mort, dont l’amour a encore grandi depuis leur séparation fatale, lui parler avec une tendresse qu’elle ne lui connut jamais pendant la vie. Écoutez le discours de l’époux mort, et si vous avez les nerfs délicats et sensibles, ses paroles les feront vibrer comme une musique à la fois plaintive et consolante. Cette prose est de la vraie poésie lyrique, de la plus fougueuse et de la plus profonde.


« Avions-nous sur la terre obtenu l’assimilation et la parfaite ressemblance? Nos essais y furent vains ; l’aveuglement de mon désir, l’abandon de ton dévouement, nous ramenant toujours au même effort, laissa hors de nos prises cent portes accessibles de l’âme par où nous aurions pu nous joindre. Tu connus de moi un seul homme, et plusieurs y furent contenus. Le silence du veuvage et la force de ton souvenir vont te les rendre peu à peu, et tu