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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/145

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l’auteur ignoré de ce brillant coup d’essai. Des fragmens de lettres qu’on a publiés prouvent avec quel cordial intérêt il apprenait l’existence d’un juge aussi compétent de ses travaux, et saluait par des éloges motivés le nom que nous connûmes alors pour la première fois, car ce morceau, dont Hamilton a dit lui-même « que naturellement les raisonnemens ne furent pas compris autour de lui, et plus naturellement encore, furent déclarés pendant un temps incompréhensibles, » eut un sort beaucoup meilleur parmi nous, et fixa l’attention de la tribu, alors nombreuse en France, qui se consacrait au service de la philosophie. « Cet article, dit M. Cousin[1], n’est nullement aisé à entendre. Lorsqu’une fois on en a compris le sens, on le trouve parfaitement bon et correct ; mais le style en est très condensé : chaque mot est gros d’une idée. La justesse des vues, la connaissance étendue des systèmes philosophiques et la profondeur de pensée qu’il atteste, ne peuvent être appréciées que par ceux qui sont du métier. Bref, c’est un article écrit pour un petit nombre d’esprits seulement en Europe, tandis que pour la multitude sa force même et son mérite le rendront obscur. La concision d’expression de sir W. Hamilton, jointe à la difficulté qu’éprouve le commun des lecteurs à le comprendre, a conduit plusieurs personnes à le regarder avec défiance, comme un partisan des systèmes germaniques, et qui aurait perverti l’exacte et circonspecte philosophie de l’école écossaise ; mais cette idée est entièrement erronée. Sir William a en effet étudié attentivement la métaphysique allemande ; mais le résultat en a été seulement un accroissement d’attachement pour la philosophie de l’Ecosse. » C’est ainsi que, malgré leurs dissentimens sur le fond des choses, s’établit entre les deux maîtres de la science un noble commerce d’estime, de bienveillance et d’admiration qui les honore, et la philosophie avec eux.

Nous ne pouvons citer tous les articles, peu nombreux cependant, dont Hamilton enrichit la Revue d’Edimbourg. Deux seulement intéressent la philosophie, l’un sur la perception, l’autre sur la logique. Dans le premier, écrit à propos de la traduction de Reid par Jouffroy (1830), il s’attacha à défendre, en la rectifiant, la théorie de la perception contre Brown, qu’il convainquit assez sévèrement d’une subtilité sophistique qui inventait l’erreur pour la réfuter. Dans le second, en félicitant l’université d’Oxford d’un retour à l’étude de la logique, attesté par les travaux des Whately, des Hampden, des Lewis[2], il décrit avec un peu de rancune l’abandon où

  1. Dans une lettre que je traduis sur la version anglaise.
  2. Le premier est aujourd’hui archevêque de Dublin, le second est évêque de Hereford, le troisième est ministre secrétaire d’état pour les affaires de l’Inde. Ils ont commencé par écrire sur la logique.