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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/214

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Là même se trouve l’explication du silence gardé par les auteurs sur la pébrine ; ils l’ont tous confondue avec la muscardine, parce que ces deux maladies ont en commun un signe qui les sépara de toutes les autres, la momification des cadavres. Pourtant l’inspection microscopique ne permet pas de les confondre. Jamais le ver pébrine ne présente rien d’analogue aux filamens du champignon, véritable cause de la mort du ver muscardine.

Ainsi, à côté des maladies locales, variables, se montre une maladie bien distincte, universelle, constante. Évidemment à celle-ci seule peuvent se rattacher les phénomènes de même nature, l’épidémie et l’hérédité, qui caractérisent partout et toujours le mal actuel. Celui-ci, considéré dans son ensemble, n’est donc pas simple, comme on l’avait cru d’abord : il se compose de deux élémens, l’un fondamental, l’autre pour ainsi dire accessoire. Le premier, la pébrine, envahit en totalité les chambrées, affaiblit les vers bien longtemps avant de les tuer, et les prédispose à subir avec une facilité déplorable l’action de toutes les causes morbides, quelles qu’elles soient. Le second est le résultat de l’action de ces causes et varie avec elles. Ainsi compris, le fléau s’explique, et ses caprices apparens ne sont plus que des conséquences très logiques de sa nature. Les phénomènes les plus frappans, ceux que l’on constate aisément à l’œil nu, appartiennent aux maladies intercurrentes, qui viennent se greffer sur la pébrine ; mais ces maladies, dépendant d’une foule de conditions diverses, sont bien rarement les mêmes dans des lieux différens ou d’une année à l’autre dans la même localité. Chacune vient mêler son cortège de symptômes propres à ceux qui caractérisent la pébrine, et par conséquent le tableau varie constamment à certains égards, tout en restant identique sous d’autres.

Il n’y a pas seulement un intérêt scientifique à constater ces faits ; ils sont d’une importance plus grande encore au point de vue pratique. En effet, des détails que je viens de donner, il résulte que, dans une contrée atteinte par l’épidémie, tous les vers doivent être considérés comme malades ou sur le point de le devenir. Seulement cette maladie n’est d’abord que la pébrine, et grâce à sa marche lente, celle-ci laisse presque toujours les vers à soie vivre assez pour filer le cocon. Les chambrées atteintes seulement de pébrine donnent presqu’à coup sûr des récoltes rémunératrices. Malheureusement un ver pébrine est aussi délicat qu’un phthisique. On sait trop comment ce dernier prend une fluxion de poitrine mortelle là où l’homme sain se serait à peine enrhumé. Alors, au lieu de mourir de la maladie fondamentale, qui l’aurait laissé vivre peut-être encore bien des années, il est tué en quelques jours par la maladie intercurrente. Il en est de même des vers à soie pébrinés. Là où des vers