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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/279

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dernière extrémité, crut très bien faire de signer une suspension d’armes qui sauvait une garnison héroïque sans compromettre l’avenir. La trêve, conclue le 4 septembre, devait durer jusqu’au 15 octobre. Si la paix n’était pas faite ce jour-là, chacun pouvait recommencer la guerre. Les Espagnols entraient immédiatement dans la ville de Casal, mais les Français gardaient la citadelle : ils devaient, il est vrai, la livrer, si le dernier jour d’octobre ils n’étaient pas secourus ; mais jusque-là l’Espagne devait leur fournir des vivres, et Schomberg ne craignait pas que l’illustre citadelle tombât au pouvoir de l’ennemi faute de secours, car il était bien décidé, avec les nouvelles troupes qu’il attendait, à se faire jour jusqu’à Casal et à venir dégager Toiras en risquant une bataille. Le marquis de Sainte-Croix entretenait à peu près les mêmes espérances ; on lui promettait aussi de nouveaux régimens, et il se croyait bien sûr d’être en mesure à la fin d’octobre de combattre Schomberg avec avantage dans un camp savamment retranché. Ainsi des deux parts on était satisfait d’une trêve où les divers intérêts avaient été équitablement et habilement balancés.

Cette heureuse suspension de longues et sanglantes hostilités était, de l’aveu commun, l’ouvrage de Mazarin. Il n’y avait qu’une voix sur sa patience, son courage, son habileté. Il avait servi tout le monde et n’avait trompé personne ; tardive mais bien douce récompense de tant de courses, de fatigues et de soucis ! Le jeune diplomate se félicitait d’avoir pris cette brillante revanche d’espérances si souvent déçues et des injustes soupçons de Louis XIII et de Richelieu. Ce premier et beau succès lui fit sentir tout le prix de l’activité et de la constance, lui apprit que le temps est l’allié des bonnes causes, et que, lorsqu’on a la conscience de poursuivre un juste but, il ne faut pas se laisser intimider par les obstacles qu’on rencontre inévitablement sur sa route. Nous verrons Mazarin pendant toute sa vie mettre à profit cette leçon : il en eut bientôt une occasion mémorable.

Louis XIII avait fini par tomber sérieusement malade à Lyon le 22 septembre, et pendant quelques jours il sembla près de sa dernière heure. Sa mort eût infailliblement précipité la France en de nouveaux troubles intérieurs qui lui eussent ôté ses forces dans la lutte difficile qu’elle soutenait avec l’Espagne et l’Autriche. Il importait donc, dans des conjonctures si menaçantes, de mettre fin à cette lutte, même à des conditions médiocrement avantageuses. Tel est le motif honorable qui porta le père Joseph, le véritable chef de notre légation de Vienne, le digne lieutenant diplomatique de Richelieu, à conclure à la hâte à Ratisbonne, le 13 octobre[1], avec

  1. Voyez le père Griffet, t. II, p. 39.