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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/653

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NOUVELLE THÉORIE D’HISTOIRE NATURELLE.

mois, et chaque fois les moutons sont marqués et classés ; les meilleurs seulement sont définitivement choisis comme reproducteurs. « C’est en partie, dit M. Milne Edwards dans son Traité de Zoologie, à des soins de cette nature que les chevaux arabes doivent leur réputation si bien méritée. Les Arabes attachent une telle importance à la pureté de leurs chevaux nobles, appelés kochlané, que la filiation en est toujours constatée par des actes authentiques. Ils font remonter à près de deux mille ans la généalogie connue de plusieurs de ces beaux animaux, et il en est dont la lignée peut être démontrée par des preuves écrites pendant une série de quatre siècles. »

Les variétés ou races ont en histoire naturelle une importance qui ne peut plus échapper aux zoologistes : on n’en est plus au temps où l’on admettait que l’embryon est l’animal en miniature, doctrine qui peut se résumer dans le proverbe populaire : « le chêne est contenu dans le gland. » Nous ne croyons plus, avec Swammerdam et Malebranche, que le premier embryon créé pour chaque espèce contenait nécessairement en lui-même les germes de tous les individus destinés à perpétuer l’espèce pendant la série indéfinie des siècles. Cette fameuse théorie de la préexistence des germes n’a pas résisté à l’observation : Wolf, Blumenbach, von Baer, l’ont remplacée par la doctrine de l’épigenèse. Nous savons parfaitement aujourd’hui que l’embryon n’est pas la miniature fidèle de l’adulte, que la spécification des caractères ne s’y opère que par degrés, et que les organes se forment successivement aux dépens en quelque sorte les uns des autres. Les notions anciennement répandues sur la nature de l’espèce ne peuvent s’accorder avec ces découvertes : la fausseté en est encore plus évidente quand on remarque que certains caractères, pour n’être pas spécifiques, se transmettent pourtant régulièrement, et ne peuvent être par conséquent envisagés comme des déviations purement accidentelles d’un type idéal et théorique.

Certaines variétés ont si bien détrôné les types primitifs, que nous ne pouvons plus, malgré tous les efforts, réussir à retrouver ces derniers : en vain cherche-t-on quelques-unes de nos plantes à l’état sauvage ; nous ne pouvons, dans beaucoup de cas, affirmer si certaines races proviennent d’une seule ou de plusieurs espèces. Qui pourra nous dire si tous nos chevaux descendent d’un seul cheval sauvage, tous nos moutons d’un seul mouton ? Quelques auteurs ont poussé jusqu’à l’absurde la doctrine qui fait remonter les races à des types aborigènes distincts. « Ils croient, dit M. Darwin, que toute race capable de se propager en conservant ses caractères propres, si insignifians que ceux-ci soient d’ailleurs, a eu un prototype sauvage. À ce compte, il a dû y avoir autrefois bien des es-