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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/722

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balle. Cette chambre fut remplacée par une tige centrale, laissant autour d’elle un espace annulaire, où se logeait la poudre, que la tige dépassait toujours, et c’était sur elle que la balle venait s’appuyer pour recevoir le forcement. Les rayures furent aussi l’objet d’expériences continuelles, car on reconnut que l’inclinaison la plus avantageuse variait avec chacun des élémens de l’arme ou du projectile. Si le pas de l’hélice[1] est trop court, les bords de la balle s’arrachent, elle abandonne les rayures. S’il est trop long au contraire, le mouvement de rotation manque de la rapidité nécessaire pour diriger la marche du projectile. On s’est arrêté, après divers essais, à un pas d’hélice de plus de 6 mètres pour la carabine de chasseurs. De prime abord, les hélices avaient été nombreuses, afin d’exiger une moindre profondeur ; mais on se rassura bientôt sur le danger d’affaiblir la résistance des parois, et on réduisit le nombre des hélices pour diminuer le frottement. Trois suffisent pour que la balle tourne bien autour de son centre ; pour plus de certitude, il est préférable d’en adopter quatre, d’une profondeur d’un demi-millimètre. La balle, quelques années plus tard, cessa d’être sphérique, et reçut la forme cylindro-ogivale bien connue aujourd’hui dont l’avantage est de mieux fendre l’air, d’opposer par son poids une plus grande résistance aux déviations (cette balle pèse près de 50 grammes), et de rendre le tir plus meurtrier à de grandes distances. L’inconvénient de cette balle, car il s’en présente partout est que, la partie postérieure étant plus lourde que la partie antérieure, le projectile a une tendance à se retourner bout pour bout afin de présenter cette partie lourde en avant, comme cela arrive à tous les corps en mouvement ; mais cette tendance a été corrigé plus tard. La modification de la forme du projectile en a exigé une analogue dans la baguette, qui a dû être évidée au gros bout, afin de pouvoir accompagner la balle, sans la déformer, jusque sur la tige. Les carabines construites d’après ce système se montrèrent très supérieures, pour la justesse, la portée et l’effet, à tout ce que l’on connaissait déjà.

Après avoir modifié aussi profondément les armes à feu et réalisé d’aussi grandes améliorations, les inventeurs auraient pu se trouver satisfaits ; mais ce n’est qu’à la condition de chercher sans cesse à dépasser le but que l’on peut parvenir à l’atteindre quelquefois. Les officiers de l’école de tir avaient d’ailleurs un motif de mécontentement envers eux-mêmes : obtenant d’excellens résultats à des portées médiocres, ils voyaient aux grandes distances se présenter

  1. On donne ce nom à la distance après laquelle les rayures feraient un tour entier dans l’arme.