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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/782

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fondé par un savant médecin, le docteur Ash, un des membres du club, lui dit qu’il voyait la vie refleurir sur les joues de l’auteur de Bosselas. Samuel Johnson le saisit par la main et s’écria : « Vous êtes un des meilleurs amis que j’aie jamais eus dans le monde. »

Vers la même époque, c’est-à-dire de 1746 à 1768, certains cafés de Londres continuaient d’être en vogue et d’attirer les gens d’esprit. Celui de Tom, Great-Russell-street, comptait près de sept cents souscripteurs à une guinée par tête. Cette société était à peu près la même que celle du Club littéraire. On y rencontrait Johnson, Garrick, Murphy, Goldsmith, Reynolds, Foote, et d’autres hommes de talent mêlés à des gens du monde. Les tables et les livres du club ont été conservés par un médailliste, M. Webster, qui occupait, il y a quelques années, le premier étage de la maison. Il y avait aussi vers 1781 un club littéraire qui se réunissait chez Mme Montague, et que l’on appelait le Club des Bas-Bleus [Blue-Slocking Club). C’était alors la mode parmi les femmes d’esprit d’avoir des soirées où elles se mêlaient à la conversation des hommes instruits qu’animait le désir de plaire. L’origine du terme de bas-bleu est, je crois, peu connue en France, un des membres les plus éminens de cette société qui siégeait à Montague’s house était M. Stillingfleet, dont l’habillement se distinguait par un caractère de gravité. On remarqua surtout qu’il portait toujours des bas bleus. Telle était l’excellence de sa conversation, que quand il lui arrivait d’être absent, on avait coutume de dire : « Nous ne pouvons rien faire ce soir sans les bas bleus. » Peu à peu, des clubs s’établirent sous ce titre, et le terme de bas-bleu s’étendit aux femmes de lettres ridicules et pédantes. Miss Hannah, qui vivait du temps de Johnson, a fait un poème dans lequel elle décrit un blue stocking club, avec le caractère des personnes les plus en vue.

En 1801 s’établit, sous le titre de Roi des Clubs (King of Clubs), une société qui se réunissait un samedi par mois à Crown and Anchor (la Couronne et l’Ancre), dans le Strand. L’élément littéraire y dominait. Le fondateur était Robert Smith, connu aussi sous le surnom de Bobus, et qui avait été procureur-général à Calcutta. Les autres, principaux membres étaient lord Holland, lord Henry Petty (depuis marquis de Lansdowne), sir James Scarlett, qui devint plus tard lord Abinger, sir James Mackintosh, lord Erskine, Samuel Rogers, le poète banquier, auteur des Plaisirs de la Mémoire, et Sharpe, que les Anglais appelaient Conversation-Sharpe à cause de son âpre talent de parole. Ce club avait une grande réputation d’esprit ; on y discourait sur les livres, les auteurs et les questions du jour. Les étrangers pouvaient y être admis à titre de membres honoraires. Parmi ceux qui furent ainsi introduits se trouvait Curran, le célèbre orateur irlandais. Il ne répondit pas d’abord à l’attente