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En 1859, la poste britannique a distribué 545 millions de lettres, soit plus de 18 lettres par chaque habitant des trois royaumes. La poste française n’a transporté que 260 millions de lettres, soit seulement 7 par habitant. — La puissance maritime appliquée au commerce est un des points de comparaison les plus humilians pour nous. Dès l’année 1787, la supériorité britannique existait, mais elle était infiniment moins marquée qu’aujourd’hui. On transportait alors sous pavillon anglais 1,101,711 tonnes, et sous pavillon français 457,990 tonnes seulement. À soixante-douze ans de distance, en 1859, le commerce français n’a opéré avec ses propres vaisseaux que sur 3,101,000 tonnes entrées et sorties, tandis que la marine nationale anglaises, transporté 13,311,843 tonnes[1]. Les mêmes proportions se reproduisent dans le trafic opéré de part et d’autre au moyen des navires étrangers. — Le grand et petit cabotage ne remue chez nous que 2 millions 1/2 de tonnes. Pour développer ce genre de trafic, qui est pour ainsi dire l’école primaire du marin, l’Angleterre l’a délivré de toute la prétendue tutelle administrative. La vapeur se substitue peu à peu à la voile, et déjà on distribue sur les diverses côtes britanniques 16 millions 1/2 de tonnes. — Au 31 décembre 1859, les vaisseaux marchands enregistrés dans les diverses possessions britanniques étaient au nombre de 36,979, tant à voiles qu’à vapeur, et leur tonnage total montait à 5,462,740 tonnes, ce qui donne une capacité moyenne de 150 tonnes par bâtiment. L’impulsion donnée augmente annuellement ce jaugeage de plus de 200,000 tonnes par la construction d’un millier de bâtimens en bois ou en fer, à voile ou à vapeur. La France, cela est triste à avouer, en est restée, à peu de chose près, aux chiffres des derniers temps de la restauration. Nous avons environ 15,000 petits navires jaugeant ensemble 1,096,000 tonneaux, c’est-à-dire d’une capacité moyenne de 66 tonneaux, presque trois fois moins grande que celle des bâtimens anglais[2].

Cette progression rapide du commerce anglais n’est cependant qu’un fait normal pour le pays où la liberté commerciale existe. Les

  1. La comparaison des chiffres du tonnage, quoique déjà bien défavorable pour nous, ne donne encore qu’une faible idée de notre infériorité. Pour approcher de la triste vérité, il faudrait comparer aussi la longueur moyenne des voyages. On verrait par exemple qu’en 1860 l’Angleterre a envoyé en Asie 1,005,278 tonneaux sur 1,407 vaisseaux britanniques, et aux États-Unis d’Amérique 522,078 tonneaux sur 629 de ses vaisseaux. — Voici les chiffres pour la France en cette même année 1860. Asie : 112 navires français, mesurant 54,699 tonneaux ; États-Unis : 20 navires, avec 7,691 tonneaux.
  2. Nombre des navires de la marine française marchande enregistrés au 31 décembre 1860 : Bâtimens à voiles, 14,708 jaugeant 928,099 tonneaux.
    Bâtimens à vapeur 314 jaugeant 68,025 tonneaux.