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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/1013

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l’élaboration du budget, la nomination et la réunion à huis clos pendant un mois d’une commission spéciale du corps législatif ? À quelle nécessité répond la rédaction laborieuse et si rarement attrayante et instructive du rapport de cette commission ? Les budgets sont préparés par les ministres, coordonnés par le ministre des finances ; ils ont passé déjà par les investigations minutieuses du corps le plus élevé de l’administration, le conseil d’état : on ne s’explique vraiment point l’utilité d’un nouvel examen détaillé et secret au sein d’un comité des délégués de la chambre. Pourquoi, dès que le budget est sorti du conseil d’état et a été présenté à la chambre, la chambre n’en aborde-t-elle pas immédiatement la discussion publique ? Les députés envoyés dans la commission du budget peuvent être considérés comme les membres les plus compétens de la chambre en matière financière ; ils connaissent tous les précédens, toute la routine, toutes les rubriques des questions qui se rattachent à la dépense et au revenu de l’état. La grande masse des articles du budget est à peu près invariable et ne fournit que rarement matière à des observations intéressantes et neuves ; chaque année, pour la dépense comme pour la recette, le budget ne donne lieu à une discussion politique importante que sur un nombre très limité de grandes questions. Pourquoi la chambre tout entière, épargnant l’inutile labeur d’une commission, ne se saisit-elle pas immédiatement et directement de la discussion du budget en se concentrant de préférence sur les trois ou quatre questions qui en déterminent le caractère politique ? Si les membres émérites des commissions des budgets ont des recherches spéciales à faire sur tel ou tel point, s’ils nourrissent des doutes, s’ils ont à provoquer des explications, pourquoi ne poursuivraient-ils pas cette enquête en face du public, et pourquoi les ministres ne présenteraient-ils pas leurs informations devant la chambre tout entière ? Quelle économie de tamps oh gagnerait à ce système ! Quelle instruction pour le public, qui ne serait plus distrait et dérouté par les mortels intervalles qui s’écoulent entre le moment où une question est posée et le moment où elle est saisie par une discussion tardive et fatiguée ! Quel aliment, quel soutien, quel liant seraient ainsi donnés aux divers épisodes de notre vie politique annuelle ! A l’appui du système que nous défendons, nous avons la consécration d’une double expérience : l’expérience négative du système français, qui énerve et alanguit le travail parlementaire ; l’expérience positive du système anglais, où le rouage parasite des commissions est ignoré. Voyez où en est en Angleterre l’affaire du budget. Dès le lendemain de l’ouverture de la session, la chambre des communes s’est mise à discuter et à voter, sur la présentation de chaque ministre, le budget des dépenses, les estimates. Il y a bientôt deux semaines que M. Gladstone a présenté l’exposé financier de l’année, lequel, suivant l’usage anglais, est la préface obligée du budget des recettes. Quant à nous, nous allons achever le troisième mois de la session sans avoir guère fait autre chose que discuter l’adresse.