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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/151

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Eye. Elle est petite, ancienne, mais assez bien bâtie, propre et libéralement éclairée : elle doit son accroissement, sa prospérité relative et les améliorations dont elle a été l’objet dans ces derniers temps à la fameuse chasse au renard. Cette chasse commence en novembre et se continue cinq mois de l’année, durant lesquels les sportsmen affluent de toutes les parties de l’Angleterre. Les hôtels ne manquent point pour les recevoir, et l’on assure que les écuries peuvent contenir près de sept cents chevaux. Malgré ces avantages, Melton n’est point, à première vue, une ville agréable ; n’y cherchez aucun de ces divertissemens qu’on rencontre souvent dans les plus petits endroits, et dont les Anglais se montrent si jaloux. Je demandai à mon compagnon s’il y avait un théâtre et une salle de concert. « À Melton, me répondit-il, la meilleure musique, celle qui réjouit le plus les oreilles des habitans, est, à neuf heures du soir, pendant le mois de décembre, le cliquetis du fer des chevaux contre le pavé des rues, car ce bruit harmonieux annonce une chasse pour le lendemain. En fait de théâtre, cette petite ville était autrefois célèbre par ses cock-pits, arènes pour les combats de coqs ; mais la loi a supprimé depuis quelques années dans tout le royaume ce divertissement inhumain, et ce n’est pas moi qui m’en plaindrai. Aujourd’hui le drame qui a le plus de succès à Melton est la mort du renard ; j’avoue que ce drame se joue presque tous les jours avec à peu près les mêmes acteurs, mais il ne laisse pas que d’exciter sans cesse des émotions nouvelles. Le fox-hunting est un plaisir dont on ne se rassasie jamais quand on l’aime. Quant à moi, je n’étais point né chasseur : une fantaisie de jeunesse, un mariage secret suivi de conséquences funestes, et la perte de la femme que j’avais aimée, telles sont les circonstances qui m’ont poussé vers un genre de vie fort peu en rapport avec mon caractère et avec la nature de mes premières études ; mais j’ai contracté avec le temps pour cet exercice mâle et salutaire une passion qui défie le refroidissement des années. Il n’est rien en effet comme la chasse au renard pour mettre en pratique cette maxime d’Horace : Nec turpi ignosce senectœ. »

Nous passâmes le premier jour de notre arrivée dans la ville de Melton à visiter plusieurs établissemens de chasse qui surpassent dans leur genre tout ce qu’on peut voir en Angleterre. Chaque sportsman qui réside sur les lieux possède en moyenne dans ses écuries une dizaine de chevaux (hunters), mais quelques-uns en entretiennent jusqu’à quatorze ou vingt et même plus pour leur usage particulier. Ce grand nombre de chevaux consacrés au service d’un seul chasseur s’explique par la nature de la contrée. Dans le Leicestershire, où le terrain est inégal et entrecoupé d’obstacles systématiques, tout bon chasseur de renard a pour habitude d’avoir