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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/176

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dité que je ne peux les atteindre. Pour une île si petite, il y a trop de reptiles. En revanche, il y a peu de papillons. Je ne trouve qu’une coliade Philodice, et une vanesse qui a beaucoup de rapport avec notre petite tortue ; en fait de coléoptères, un nécrode Surinamensis à trois points oranges sur le bout de ses élytres noires, et les cicindèles Sexguttata et Tristis. Aucun chant d’oiseau ni de cigale ; mais des grenouilles noires, d’une espèce qui ne dépasse pas la grosseur d’une fève, poussent un petit coassement plaintif. Il fait un tel vent toute la journée qu’on est tenté de crier : Fermez donc la porte du Michigan ! Le fait est que Mackinaw est dans un terrible courant d’air, et que rien n’y peut pousser. Ceci me rappelle la douce brise de mer des Provençaux qui vous jette par terre à chaque pas.

Je ramasse pour toi des échantillons d’agathe zonaire et d’agathe porcelanite, les seuls produits intéressans du pays. Pas le moindre bateau de la journée ! Nous attendons jusqu’à neuf heures du soir. Enfin une lumière se montre sur le lac Huron. C’est un steamboat. La lumière se rapproche. — Non, — si, — hélas ! non. C’est le phare de l’île Bois-Blanc. Je m’étends tout habillé sur mon lit de camp, m’attendant à partir d’un instant à l’autre.

28 août. — Nous sommes encore à Mackinaw. La journée se passe à consulter l’horizon et à espérer un bateau : on ne voit que le lac qui verdoie et la terre qui poudroie, car on est aveuglé de poussière soulevée par le vent, et il s’en faut que les yeux s’épanouissent à une nouvelle clarté, comme dit la réclame ; mais voici la pluie ! Il ne manquait plus que cela pour compléter ce séjour enchanteur, dont la seule distraction est de manger trois fois par jour. Il y a bien une salle de billard toute seule au bout d’un pré ; mais le tapis crevé est couvert de champignons, les queues oubliées par terre ont pris racine et poussent des rejets ; quant aux billes, elles sont au fond du lac.

Ce soir, la pluie cesse. Devant l’hôtel, les demoiselles font de la haute école sur la pelouse. Comme il n’y a qu’un vieux cheval pour elles toutes, chacune fait un tour de galop en ayant bien soin de passer devant nous, et j’ai grand soin, moi aussi, de les admirer toutes, mais surtout une jeune vignette anglaise aux bras nus, à la taille élancée, aux longs cils bruns, aux yeux très fendus, aux longues boucles de cheveux noirs qui tombent sur des épaules nues d’une blancheur diaphane. Mais à quoi bon tant admirer ? N’allons-nous pas partir, et sans regrets ?

À une heure du matin, voici enfin la cloche d’un bateau à vapeur. On se lève, on boucle son sac, on descend. Déception !… Ce steamboat ne va pas à Milwaukee, il en revient.