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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/221

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Qu’il ferait bon dehors ! Heureux les lis des champs !
Leurs fleurs « emmi les prés ne filent ni ne tissent, »
Et toujours leurs soyeux vêtemens resplendissent,
Et toujours sans compter Dieu leur donne au réveil
Ses perles de rosée et ses flots de soleil.
Heureux les lis des champs !…


L’homme se décourage

Et n’ose même plus regarder son ouvrage.
L’insecte, sur ses fils, immobile, inquiet,
Comme une sentinelle, épie et fait le guet.
— Jouant dans un rayon, bourdonnante, étourdie,
Dans la toile flexible et savamment ourdie,
Une mouche soudain s’enlace et se débat.
Alerte, l’araignée accourt, et le combat
S’engage ; la captive est brave et bien armée ;
L’araignée est ardente, implacable, affamée.
Sur l’aile frémissante et le corselet bleu
Elle lance des fils gluans, et peu à peu
Elle roule la mouche en un linceul de mailles
Et l’emporte broyée entre ses deux tenailles.
La nuit vient, dérobant victime et meurtrier.

Le tisserand pensif retourne à son métier.
Quoi ! partout la douleur à sa proie acharnée,
Et la vie à la mort à jamais enchaînée !
Il songe longuement à ce qu’il vient de voir.
Lui du moins ne doit pas au meurtre son pain noir ;
Sa rude pauvreté ne fait pas de victime.
Cette réflexion le relève et l’anime,
Son cœur est soulagé, son bras est raffermi,
Il jette sur sa tâche un doux regard d’ami.
Et maintenant, leviers, sous le pied qui vous guide,
Montez et descendez ! Toi, navette rapide,
Fais ton devoir. Les fils se croisent mille fois,
L’étoffe s’épaissit sur le rouleau de bois,
Et longtemps dans la nuit calme on entend encore
Du métier haletant le bruit sec et sonore.

II. — LA BRODEUSE.

La matinée est froide, octobre va finir.
La brodeuse là-haut travaille à sa croisée,
D’où l’on voit scintiller les toits blancs de rosée
Et les bois des coteaux à l’horizon jaunir.