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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/324

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de Lyon ou de Bordeaux, à l’article d’une dépense facultative, défrayée d’ailleurs par les revenus de la commune, c’est une énormité dont on ne se doute pas dans le régime local de la Grande-Bretagne.

Il faut convenir que ces pouvoirs locaux, encore qu’ils n’aient pas partout une sphère d’action très étendue, sont quelque chose de considérable et d’actif, laissant à tout prendre bien loin derrière soi leurs similaires français ; mais ne vous pressez pas de conclure que ces pouvoirs ainsi faits, et supérieurs aux nôtres assurément, soient par cela même supérieurs à tout chez nos voisins, qu’ils y soient la base et l’explication de tout, notamment de leur liberté politique. On étonnerait bien un Anglais en lui révélant que les lois de son pays sont originaires de la paroisse, de la corporation, et que tous ses sujets d’orgueil ou de prospérité lui viennent de là. Il y aurait quelque méprise à prêter tant de vertu aux localités anglaises, et surtout à croire que nous pouvons nous assimiler cette vertu.

Ces pouvoirs n’ont rien en Angleterre d’un élément constitutif et transcendant. Il ne faut pas les considérer en eux-mêmes pour en bien juger, mais par rapport au milieu où ils se déploient, à l’ensemble dont ils font partie. La vérité est qu’ils sont proportionnés à la taille et aux mœurs politiques du pays ; rien de plus. Ils sont très actifs assurément ; mais qui donc est inerte en ce pays ? Ce n’est pas le parlement, bien sûr, qui fait non-seulement des lois, mais des enquêtes à façons judiciaires, du gouvernement local par les private bills, de la police administrative par l’autorisation des sociétés anonymes, — ni le juge, qui réunit les pouvoirs répartis chez nous entre les tribunaux civils, les tribunaux administratifs et l’administration elle-même, — ni le pouvoir exécutif, dont les attributions se développent comme les besoins croissans d’une civilisation exemplaire.

L’activité des pouvoirs locaux n’est qu’un trait de cet ensemble ardent, de cette expansion universelle et exubérante. Il ne faudrait pas prendre ce détail pour le principe générateur du self government, qui est dans la race elle-même. En voulez-vous la preuve ? Quittez la région politique ; ne regardez plus au gouvernement, mais à la société : c’est la même ardeur dans les affaires privées que dans la chose publique ; affairés et personnes s’expédient, se dépêchent avec des allures dont on n’a pas d’idée. Un Anglais, disait Hamilton, a toujours l’air d’aller chercher un accoucheur. C’est la vie poussée jusqu’à la fièvre. Dira-t-on que tous les élémens de cette vie, élémens industriels, commerciaux, religieux, mondains, ont pris de tels développemens parce que les comtés font-mix-mêmes œuvre de justice et de police ? Non vraiment ; le principe de