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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/414

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mai 1788 sur la formation des grands bailliages, sur la suppression des tribunaux d’exception, sur la réforme de la procédure criminelle, sur l’établissement de la cour plénière, qui avaient pour but de réduire l’autorité des cours souveraines[1]. Le parlement de Bordeaux refusa naturellement de les accepter. Le comte de Fumel, commandant de la province après M. de Brienne, se rendit à Libourne pour les faire enregistrer de force ; cette formalité accomplie, le roi permit au parlement de rentrer à Bordeaux, où l’attendait une réception triomphale.

Ainsi finit cette triste querelle ; mais le moment de former l’assemblée provinciale était passé. Il ne paraît pas qu’on ait seulement essayé de la convoquer. L’archevêque de Bordeaux, qui aurait dû la présider, était M. Champion de Cicé, disciple de Turgot et ami de Necker, qui avait déjà présidé avec tant d’éclat l’assemblée de la Haute-Guienne. Ce prélat venait de faire partie de l’assemblée des notables, il allait bientôt être élu aux états-généraux, dont il fut pendant les six premiers mois un des membres les plus importans ; personne n’avait l’esprit plus libre et plus éclairé, et nul doute que, sous sa direction, l’assemblée provinciale de la Basse-Guienne n’eût rendu les plus grands services.

On pouvait aisément en juger par ce qu’avait déjà fait M. de Cicé depuis qu’il occupait son siège archiépiscopal. À Bordeaux comme à Rodez, il déployait une rare activité. Parmi les établissemens fondés par lui se trouvait l’école des sourds-muets, dirigée par le célèbre abbé Sicard. C’est avec les secours et d’après les conseils de l’archevêque que l’abbé Sicard avait fait le voyage de Paris pour apprendre de l’abbé de l’Épée son ingénieuse méthode. L’école qu’il institua à son retour s’ouvrit au mois de janvier 1786. Appelé plus tard à Paris pour succéder à l’abbé de l’Épée, il n’oublia jamais ce qu’il devait à son premier appui. En politique, M. de Cicé ne donnait pas moins l’exemple d’une résolution hardie et intelligente. En revenant de l’assemblée des notables, où il prit une grande part à la constitution des assemblées provinciales, il avait réuni tout son clergé, et là, dans des termes fort nets, il n’avait pas dissimulé que le moment était venu pour les deux premiers ordres de renoncer à leurs privilèges. Il fit plus encore en 1789 : il se mit, avec l’archevêque devienne, à la tête de la majorité du clergé qui se réunit au tiers-état.

Quand on eut ainsi manqué l’occasion d’avoir une représentation locale, on se prit à le regretter. La noblesse de la province se réunit

  1. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner en détail ces édits, qui précipitèrent la révolution en voulant la prévenir. Disons seulement que l’institution des grands bailliages est devenue plus tard celle des cours d’appel. Ils devaient être au nombre de 47.