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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/497

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au début de la session la question ministérielle. Sous la présente constitution, les longueurs et les incohérences de la discussion de l’adresse ne sont pas même rachetées par un intérêt de cet ordre.

Or sait-on pourquoi il serait injuste de regarder le système dont nous critiquons les défauts apparens comme un acheminement vers le régime parlementaire ? C’est que l’ampleur exagérée que l’on donne aujourd’hui aux débats de l’adresse provient uniquement de ce que nos chambres ne possèdent plus quelques-unes des attributions qui leur appartenaient autrefois. Quand les chambres avaient le droit d’initiative et le droit d’amendement, les questions importantes pouvaient aisément être dégagées du pêle-mêle de l’adresse ; elles pouvaient être discutées isolément, a leur moment et à leur place. On pouvait, dans l’expédition de la besogne parlementaire, aller au plus pressé. Les matières qui en valaient la peine pouvaient être traitées à fond. On pouvait obtenir des assemblées des verdicts d’opinion dont l’effet sur la marche des choses était immédiat. Au bout d’une discussion, l’on pouvait avoir une solution. Il n’en saurait être ainsi aujourd’hui. La motion d’un député ne peut servir de prétexte, à une interpellation, ou devenir le thème d’une discussion et d’un vote. On connaît aussi les obstacles que rencontre le droit d’amendement. La conséquence est forcée. Les membres de nos assemblées n’ayant d’autre occasion de faire acte d’initiative, d’interpeller, d’exprimer des dissentimens par des amendemens que celle que leur fournit la discussion de l’adresse, tout ce qu’il y a dans nos chambres de vie parlementaire vient se condenser et éclate dans les débats de l’adresse. Politique intérieure et étrangère, questions constitutionnelles, questions d’affaires, il faut tout passer en revue dans cette courte saison où il est donné aux discours de germer et de fleurir. Comment ne pas se hâter ? comment s’exposer à laisser échapper une occasion unique ? Tous les sujets sont donc évoqués à la fois. La préface de la session prend des proportions encyclopédiques ; tout le feu des chambres s’y épuise, et dans ce tourbillon l’unité et le bon ordre du travail parlementaire sont exposés à s’altérer. Que ceux qui seraient portés à se plaindre de cet état de choses y prennent donc bien garde : ce n’est point au système parlementaire que cette sorte d’abus peut être imputée ; le système parlementaire en est innocent. Si jamais l’édifice doit être couronné, si jamais l’on revient aux règles ordinaires du gouvernement représentatif, nous sommes sûrs que l’expérience actuelle n’aura point été inutile, et que l’on saura renoncer pour toujours aux discussions de l’adresse démesurées et stériles.

Imbus de semblables idées, nous avons eu peine à comprendre le petit mouvement de mauvaise humeur auquel M. de Morny s’est laissé aller, au commencement des débats du corp3 législatif, à propos d’une expression insignifiante échappée à M. Jules Favre. L’éloquent orateur avait parlé de la rédaction officielle du projet d’adresse, et le président du corps législatif