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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/502

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provoqué la guerre en s’appuyant sur les élémens révolutionnaires. De même M. de Cavour a conquis l’opinion libérale de l’Europe et par le respect de son gouvernement intérieur pour l’exercice des libertés publiques, et par la portée cosmopolite qu’il voulut donner à la révolution italienne en lui assignant pour fin l’abolition du pouvoir théocratique. Tant que la révolution italienne ne sera point achevée, il ne sera pas au pouvoir des successeurs de M. de Cavour qui auront à cœur la cause de leur pays d’altérer violemment aucun des trois principes de sa politique. Tous ils devront vivre jusqu’à un certain point en bonne intelligence avec le parti dont le patriotisme se passionne jusqu’à l’agitation ; tous ils devront maintenir et pratiquer sincèrement les institutions libérales ; tous ils devront marquer à Rome le but de leurs aspirations. Les adversaires de M. Ricasoli se tromperaient fort, s’ils prétendaient qu’il a mérité sa chute pour être demeuré fidèle à la politique d’un véritable homme d’état italien. M. Rattazzi ne pourra point suivre au fond une politique différente.

Sera-t-il plus habile que son prédécesseur ? Nous le souhaitons, mais il serait difficile de se dissimuler la fâcheuse influence que le changement de ministère produit déjà, du moins au dehors, sur les affaires de l’Italie. Si la majorité du parlement italien eût prêté un véritable appui à M. Ricasoli entouré d’hommes que M. de Cavour lui-même s’était choisis pour collègues, si cette majorité qui applaudissait avec enthousiasme aux fières explications du ministre tombé eût prévenu sa chute en lui fournissant à temps un ministre de l’intérieur, croit-on que la question romaine n’eût pas été, à l’heure qu’il est, en meilleure voie à Paris même ? La conséquence inévitable du changement de ministère qui vient d’avoir lieu à Turin est au moins de retarder la marche des affaires italiennes, et d’ouvrir une période d’attente et d’incertitude. Les amis de M. Rattazzi reconnaissent qu’il n’a pu former un bon ministère. Les hommes n’y sont point à leur place ; les personnages les plus considérables de la majorité, MM. Farini, Minghetti, Lanza, ne semblent pas disposés à prêter leur concours à M. Rattazzi, qui, comme son prédécesseur, est obligé de se charger provisoirement des deux ministères des affaires étrangères et de l’intérieur. Pour notre compte, nous n’attachons point une trop grande importance à la réunion des sociétés émancipatrices à Gênes ; mais il est beaucoup de gens en Europe, l’espèce de ces timorés est nombreuse en France, qui tremblent dès que Garibaldi entre en scène. Garibaldi avait été appelé par M. Ricasoli, sans doute pour exercer à Gênes une influence modératrice. Il s’entendra probablement avec M. Rattazzi, mais à quelle condition ? Quelque sentiment que l’on éprouve pour les anciens ministres ou pour les nouveaux, on est forcé de convenir que la crise ministérielle a momentanément affaibli les chances d’une prochaine solution de la question romaine. On ministère naissant, incomplet, privé d’une force parlementaire suffisante, ne peut guère espérer d’obtenir de prompts et brillans succès dans sa politique étrangère. Que M. Rattazzi applique les