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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/542

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principal personnage est le général, ensuite vice-roi Calleja ; après lui, le plus remarquable personnage fut Iturbide, officier créole d’une extrême bravoure, d’une intelligence peu ordinaire, d’une activité infatigable, qui, de concert avec un Espagnol, le général Llano, remporta sur Morelos les victoires décisives de Valladolid et de Puruaran. Parmi les insurgés, on aurait une multitude de noms à citer, indépendamment de Hidalgo et de son principal lieutenant, Allende. Et d’abord le curé Morelos, qui fut le chef incontesté de l’insurrection pendant quatre ans; homme supérieur, courageux sur le champ de bataille et d’une grande capacité dans le conseil, qui réprouvait énergiquement les traditions sanguinaires de son prédécesseur et ami Hidalgo, pour lequel il professait cependant de la vénération. Morelos fit de vains efforts pour décider les Espagnols à se montrer moins implacables envers les prisonniers, mais il n’y put réussir; c’était une partie essentielle de leur politique. Il existe des proclamations et des ordres du jour du vice-roi Venegas, de Calleja et d’un de ses subordonnés, le général Cruz, qui font dresser les cheveux sur la tête[1]. Les atrocités commises par Hidalgo avaient aussi dû les exaspérer. Il faut pourtant le dire, la terreur et la cruauté étaient des moyens affectionnés de l’ancienne politique espagnole, et elle les pratiquait spontanément sans avoir besoin d’y être provoquée par un sentiment de représailles. Quand elle s’est trouvée en présence d’une insurrection, et en Amérique plus encore qu’en Europe, c’est dans des torrens de sang qu’elle s’est proposé de l’éteindre. Heureux les peuples quand on ne se servait des supplices et des exécutions qu’à titre de répression, car on les a employés souvent à titre préventif! On fusillait les gens non à cause de la part qu’ils avaient prise dans la lutte, mais à cause de celle qu’ils pourraient bien être tentés d’y prendre. Le général espagnol Morillo, l’antagoniste de l’illustre Bolivar, s’est vanté de n’avoir pas laissé dans la capitainerie-générale de Caracas un seul homme dont la Péninsule put prendre ombrage. Faut-il s’étonner ensuite de l’antipathie qu’excitent dans l’Amérique jadis soumise à l’Espagne l’autorité de cette nation et ses soldats, dont on a si souvent fait des exécuteurs des hautes œuvres!

Le curé Matamoros, lieutenant de Hidalgo et de Morelos, est un personnage digne d’admiration. Morelos et Matamoros furent pris

  1. M. Lucas Alaman cite le texte d’une proclamation sanguinaire du vice-roi Venegas, sous la date du 25 juin 1812, et de quelques autres de Calleja devenu vice-roi. C’est un système complet d’extermination, laissé à la discrétion de tous les chefs de détachemens. L’ordre du jour du général Cruz est plus révoltant encore : il porte qu’il faut poursuivre, incarcérer et tuer les insurgés, comme des animaux féroces (bestias feroces).