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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/559

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une pension de 125,000 francs, à la condition de ne pas rentrer dans le pays.

C’est ainsi que succomba au Mexique la cause de la monarchie. Elle y conserva cependant des partisans nombreux. Très peu de personnes gardaient l’espoir ou le désir de voir monter sur le trône un prince de la maison d’Espagne. Cette idée eut même bientôt contre elle l’unanimité du vœu national. On était irrité du refus de Ferdinand VII et des cortès d’accorder un prince de la famille royale et de reconnaître le Mexique indépendant en négociant avec lui pour assurer au commerce espagnol un traitement de faveur. À ce dépit se joignit en 1829 l’irritation causée par une nouvelle tentative à main armée pour faire rentrer le Mexique sous le joug. Une petite armée espagnole, commandée par le général Barradas, vint débarquer à Tampico, mais ce ne fut que pour essuyer une défaite humiliante, que lui infligèrent immédiatement les généraux Teran et Santa-Anna. La haine contre les Espagnols, qui était déjà vive, en fut grandement envenimée, et elle reste aujourd’hui le sentiment politique le plus vivace qu’il y ait dans le pays. Un exil en masse, voté par le congrès dans un moment de passion publique, frappa toutes les personnes nées dans la Péninsule. Mesure funeste, car la violence est rarement profitable, et ici on faisait perdre au Mexique une population plus instruite et plus industrieuse que le reste, et avec elle une grande quantité de capitaux.

Rebuté par l’Espagne et animé à son tour contre elle d’une extrême répugnance, le parti monarchique, parmi les Mexicains, se flattait au moins de la pensée qu’un pays aussi vaste, aussi beau, aussi bien doté en richesses de toute sorte, et aussi parfaitement situé, tenterait quelque rejeton de quelqu’une des maisons souveraines de l’Europe; mais, au moment de la chute d’Iturbide, les opinions légitimistes, mises à la mode et érigées en système par M. de Talleyrand à l’époque du congrès de Vienne, exerçaient une domination absolue dans les conseils des monarchies catholiques, les seules auxquelles on eut pu s’adresser. A Paris, à Vienne ou à Munich, on eût repoussé comme un larcin et une usurpation l’idée d’envoyer à Mexico, pour y être empereur, un prince de la famille régnante. Le sentiment monarchique des Mexicains ainsi éconduit et bafoué par les rois de l’Europe ne s’en maintenait pas moins; il cherchait au hasard l’objet de son culte. C’est ainsi que, tant qu’il a vécu, le jeune fils d’Iturbide, le prince Félix, né pendant le règne éphémère de son père, et réfugié à Philadelphie après la catastrophe où périt le ci-devant empereur[1], a eu des partisans fidèles.

  1. Iturbide, réfugié en Angleterre, conçut le malheureux projet de reprendre la couronne. Il arriva à peu près seul, le 14 juillet 1824, à Soto-la-Marina. Fait prisonnier par le général Garza, il fut fusillé par ordre des autorités de l’état de Tamaulipas, conformément à un acte du congrès de Mexico qui l’avait mis hors la loi.