Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/587

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poids exact des grains et des fourrages, on n’a pas toujours trouvé réels les avantages d’abord annoncés. Avec des animaux dont on néglige la force musculaire, et auxquels on ne demande qu’une production abondante de graisse et de lait, ces diverses préparations deviennent plus rationnelles. Les fourrages hachés, les grains aplatis, concassés ou réduits en farine, sont alors d’un emploi profitable, surtout quand on les mêle à des pulpes ou à d’autres matières qui contiennent déjà par elles-mêmes quelques principes nutritifs, et quand, par une fermentation régulière, on en augmente la digestibilité. C’est même ce que prouve avec évidence le développement pris en France, depuis plusieurs années, par les distilleries agricoles.

Une fois parvenue à ce degré d’industrie, l’agriculture est forcément conduite à s’occuper surtout d’engraissement, car les usines, avec les résidus desquelles on opère, ne travaillent pas toute l’année, et l’engraissement permet mieux que toute autre spéculation de proportionner l’effectif du bétail aux ressources dont on dispose. Il transforme, à vrai dire, les animaux en réservoirs où on emmagasine les fourrages et les grains aux momens d’abondance pour revendre ensuite avec profit, sous forme de viande, les provisions ainsi employées[1]. Il est donc, dans plusieurs situations économiques, impérieusement indiqué. L’engraissement à l’étable se nomme engraissement de pouture ; il exige plus de frais que l’engraissement à l’herbage, mais il donne une graisse plus fine et la produit plus promptement.

Des hommes compétens n’estiment pas à moins de 1,500,000 bêtes bovines adultes, 2,700,000 veaux, 6 millions de moutons et 4 millions de porcs l’immense tuerie que, dans l’état actuel des choses, nécessite la consommation française annuelle. Les marchés de Sceaux et de Poissy, qui alimentent Paris, avaient à eux seuls reçu en 1850 142,533 bœufs, 19,345 vaches, 51,996 veaux et 793,567 moutons. En 1860, on y a vendu 182,566 bœufs, 48,868 vaches, 53,794 veaux et 1,223,794 moutons. À ces masses déjà considérables, il faut ajouter les agneaux, les chevreaux, les viandes dites à la main[2], et les bêtes porcines, etc., qui fournissent également chaque année un gros contingent.

Le rapprochement de ces divers chiffres démontre combien les grandes villes laissent une faible part à la consommation des campagnes. Du reste, il est bien difficile, pour ne pas dire impossible,

  1. En moyenne 100 kilog. de foin ou l’équivalent produisent 5 kilog. de viande.
  2. Les viandes à la main, c’est-à-dire celles qui proviennent d’animaux expédiés à Paris après l’abatage, et que l’on y vend à la criée sur des marchés spéciaux, ont atteint à elles seules, pendant la première quinzaine de décembre 1861, le chiffre de 623,943 kilog., et cette quinzaine-là n’est pas une des plus chargées.