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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/702

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Mittchell, victime et témoin dans cette journée, qui l’a écrit. «Des troupes de Cosaques et de Circassiens en furie couraient à travers les rues, frappaient indistinctement hommes et femmes. Ils entraient dans les maisons, en maltraitaient les habitans et les mettaient au pillage. » En cernant les églises, on ne prévoyait point assurément que la foule prendrait une résolution étrange, celle de ne point en sortir tant que l’armée serait Là. qu’il faudrait l’en arracher, et c’est ainsi qu’une résolution irréfléchie et violente conduisait aux conséquences les plus désastreuses.

Pendant tout le jour, on resta en présence : la population dans les églises, haletante, exaltée, souffrant de la faim, mais inébranlable, les soldats campant aux portes. A huit heures du soir, un général se présenta et offrit à la foule de se rendre à la grâce et à la merci du lieutenant du royaume. On lui répondit qu’on savait ce que c’était que cette grâce, qu’on ne sortirait pas tant que l’armée ne se serait pas éloignée. On alluma les cierges du catafalque élevé la veille pour l’archevêque mort, et de temps à autre on chantait des hymnes. A deux heures du matin, un nouveau parlementaire survint. On lui répondit, comme la première fois, qu’on ne demanderait pas grâce. Deux longues et mortelles heures s’écoulèrent encore, et ce n’est qu’à quatre heures du matin, c’est-à-dire après un siège de dix-sept heures, que les soldats reçurent l’ordre d’envahir l’église par la force et de chasser cette foule. Plus de deux mille personnes furent prises et conduites à la citadelle. Ce n’est pas tout cependant, et ici se révèle cette fatalité que je montrais pesant parfois sur les fonctionnaires russes. Le comte Lambert n’avait nullement prévu, à ce qu’il semble, l’envahissement des églises ni ces arrestations en masse. Tout s’était exécuté par l’ordre du général Gerstenzweig, chef de l’état de siège, et de là une scène qui devenait une tragédie entre les deux généraux. Le comte Lambert reprochait les violences de la journée à Gerstenzweig, qui à son tour répliquait avec violence. Que se passa-t-il alors? Ce qui ne semble plus douteux, c’est que l’un, Gerstenzweig, se bridait la cervelle, tandis que le général Lambert quittait subitement Varsovie. Quant aux suites de ces scènes du 15 octobre, elles se manifestaient immédiatement : l’administrateur du diocèse de Varsovie faisait fermer les églises, et il était imité par les chefs des autres cultes, par le grand-rabbin, par le chef de l’église protestante. Depuis un an, toutes les écoles étaient fermées en Pologne, les théâtres l’étaient aussi, les églises se fermaient à leur tour. Ainsi s’inaugurait une période nouvelle de réaction qui n’est point finie encore.

C’est comme le triste épilogue de ce drame d’une année. Les scènes du 15 octobre ont été en effet le point de départ d’une sorte