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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/928

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leurs, pour servir sans le savoir ses odieux projets, l’appui des deux méchans frères de Gérard. Grâce à eux, l’espionnage, les sourdes machinations sont à l’œuvre sous ce toit béni du ciel, où régnaient naguère la paix et la concorde. Ils découvrent, ils livrent à leur père indigné une image où le pinceau de Gérard a reproduit les traits purs de Marguerite, ses cheveux aux reflets enflammés, ses grands yeux violets, et cette œuvre d’amour retourne. brutalement déchirée, aux mains qui l’avaient tracée sur le vélin : rigueur imprudente et vain outrage qui mettent du parti de Gérard et sa mère Catherine, et, — ce qui importe plus encore, — Marguerite Van-Eyck, la jeune fille qui jusqu’alors se défendait de répondre à sa tendresse. Elle refuse encore de quitter son père pour suivre Gérard en Italie; mais elle consent à lui donner sa main. Par malheur, le terrible bourgmestre a l’œil sur leur innocent complot, et Gérard, au pied même de l’autel, est arrêté au nom de son père absent, mais en réalité par ordre du magistrat prévaricateur.

Cet emprisonnement de quelques heures dans la stadt-house de Tergou serait en soi-même un obstacle bien éphémère, un incident sans portée: mais le hasard en décide autrement. Dans un vieux bahut où sont les archives communales, Ghysbrecht a caché (Dieu sait pourquoi) un document qui l’incrimine, l’acte même en vertu duquel il a déloyalement privé Peter Brandt de l’héritage auquel ce dernier avait droit. Gérard, en travaillant à sa délivrance, brise le meuble vermoulu, et, par manière de représailles, emporte les parchemins moisis qu’il renfermait. La persécution du bourgmestre va désormais devenir implacable; du moment où, sans le savoir encore, Gérard est détenteur d’un titre qui, rendu public, ruinerait Ghysbrecht dans sa fortune et dans sa bonne renommée, il faut que Gérard s’éloigne ou périsse.

C’est chez Marguerite, c’est dans la chambre même de la jeune fille que s’est réfugié le fils d’Elias après son évasion de la stadt-house. C’est là qu’il échappe miraculeusement, grâce à la connivence d’un des limiers de la police municipale, aux poursuites acharnées dont Ghysbrecht a donné le signal. Après cette crise violente, les deux jeunes gens, restés seuls, tombent dans les bras l’un de l’autre. Fiancés depuis quelque temps, presque mariés la veille, se croyant certains d’être unis le lendemain, exaltés par le danger récent, ils succombent,... et dès le lendemain ils seront cruellement punis de leur imprudence. Le lendemain en effet, les poursuites recommencent, et cette fois dirigées par le bourgmestre en personne. Sur le point d’être atteint, Gérard se retourne et frappe son ennemi, qui vide les arçons de sa mule et dont la bourse tombe à côté de lui. Gérard, du premier mouvement, s’empare de cette