Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/949

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vraiment la cause principale de tous les échecs dont elle est victime. À ce point de vue aussi, il importe d’apprécier la révolution : il y a lieu de nous demander si elle représentait en effet les tendances où nous devons mettre notre espérance. Il est constant qu’à la place de l’absolutisme royal la convention n’a donné à la France que l’absolutisme de la démocratie : est-il vrai, comme on nous le dit, que la faute en soit seulement aux circonstances et à des excès individuels qui ont fait dévier la révolution? Il est constant que jusqu’ici les conséquences de la révolution ont été plus favorables à l’égalité qu’à la liberté : est-il vrai qu’il faille seulement en accuser les réactions qui ont arrêté l’œuvre de 1789? ou plutôt, s’il en a été ainsi, ne serait-ce pas en grande partie parce que l’esprit qui en définitive a pris la direction du mouvement révolutionnaire n’était pas l’esprit de liberté, et parce que ceux qui en perpétuent les traditions ne travaillent vraiment pas pour la liberté, parce que, tout en la demandant, ils ne font qu’encourager les instincts qui nous l’ont fait perdre et qui la rendent impossible?

C’est là ce que nous voudrions examiner à propos de plusieurs publications récentes, à l’occasion surtout du volume où l’auteur de l’Histoire de Dix Ans et de l’Organisation du Travail a entrepris de réhabiliter Robespierre et Saint-Just. L’histoire de la révolution n’avait pas encore été écrite, lisons-nous dans la préface du long ouvrage où M. Louis Blanc s’est proposé de dissiper les fables qui l’obscurcissaient. Qu’il y eût des fables à dissiper, cela n’est pas douteux. De même que les hommes de 1793 n’avaient vu dans leurs adversaires que des traîtres et des monstres à envoyer à l’échafaud, il était naturel que la pareille leur fut rendue : les colères, les frayeurs, les rancunes suscitées par leur système de violence ne pouvaient manquer d’éclater contre eux en imputations passionnées, en hallucinations haineuses. Par la faute donc de la révolution elle-même, il devait être difficile d’en écrire l’histoire, et, même après le travail du nouvel historien, la tradition fabuleuse est loin d’être balayée. Quoiqu’il ait rectifié plus d’un point de détail, la légende qui nous cachait le sens réel des événemens n’a fait que s’épaissir encore davantage en traversant un esprit aussi entier, aussi enfermé dans un point de vue unique. Il n’est pas moins très instructif de le suivre sur son terrain et de contempler avec lui la révolution dans la personne de Robespierre; on ne saurait choisir un meilleur exemple pour débrouiller la question décisive, celle de savoir si c’est sur les mauvais penchans des individus ou sur l’esprit général de la révolution que doit retomber la responsabilité des fautes commises et des funestes conséquences qu’elles ont entraînées.

A l’égard des actes et des vues de Robespierre, ce n’est pas que