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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/1019

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représentent pas en même temps un intérêt supérieur de progrès national et politique qui compense largement les sacrifices nécessaires des premières années.

Et ce que l’Italie a fait pour son organisation militaire, elle l’a fait pour les grandes œuvres d’utilité publique, par la même raison, sous la même inspiration. Au moment où l’unité s’accomplissait, quelle était la situation des états italiens au point de vue économique, à ce point de vue des communications intérieures qui sont pour les intérêts aussi bien que pour la vie morale et politique un des plus puissans instrumens de fusion ? Entre les états point de communications ou du moins des communications difficiles, coûteuses, toujours embarrassées d’ailleurs par des pouvoirs jaloux. Le Piémont, en cela comme en tout, était une exception par son réseau ferré. Dans le reste de la péninsule, il y avait à peine quelques chemins de fer, quelques tronçons, des spécimens d’agrément plutôt que de vraies lignes servant un courant d’industrie, et entre ces lignes, entre les privilèges accordés, aucun lien, aucune combinaison, rien qui éveillât l’idée d’une structure générale italienne. La première pensée du gouvernement de l’Italie unie devait être évidemment de chercher des auxiliaires dans les chemins de fer, ces complices naturels des fusions un peu improvisées, de créer ces grandes artères destinées à faire rayonner la vie de toutes parts, de suppléer aux vices de la configuration géographique de la péninsule par la rapidité des communications.

Ce que les chemins de fer ont pu être à un certain moment, un des économistes italiens les plus habiles, M. Correnti, le disait avec le tour philosophique de son esprit, dans un langage à la fois abstrait et imagé : « Aucune contrée plus que la nôtre n’avait besoin de ce puissant correctif de la constitution organique, aucun peuple plus que le nôtre n’avait besoin de cet admirable condensateur du temps et de l’espace. Si les chemins de fer sont pour les autres nations un moyen de progrès, pour les Italiens ils sont les nerfs et les muscles du nouveau corps où doit s’incarner l’âme de la nation… » De là, dans les premiers temps, des concessions multipliées, précipitées, quelquefois hasardeuses, toutes conçues dans un dessein stratégique et politique, et malheureusement aussi fort mêlées de spéculations douteuses. De là bientôt l’idée de reprendre toutes ces concessions, de les refondre, de les concentrer et de les coordonner pour leur donner plus d’efficacité. C’est ce que faisait dès 1864 la loi organique des chemins de fer en constituant quatre grandes compagnies, quatre principaux groupes embrassant la péninsule entière : le groupe de la Haute-Italie, le groupe des chemins de fer romains et liguriens, le groupe méridional, et enfin ce que